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| Les aménagements de protection |
Le dispositif initial
Jusqu’à la fin du 19e siècle, tous les travaux de protection étaient entrepris par des habitants de Bourg d’Oisans, qui construisirent des digues et creusèrent des canaux visant à contenir les écoulements du torrent de Saint-Antoine, au-delà du bâti (cf. ancien couvent des Récollets, devenu école de musique). Ce type de défense est qualifié de protection passive.
Compte tenu d’une érosion généralisée dans le haut bassin provoquée au moins en partie par le surpâturage (troupeaux de chèvres) et en application des lois de 1860 et 1864 sur le reboisement et le réengazonnement des montagnes, une partie du versant (172 ha) a été classée en périmètre RTM et est devenue propriété de l’Etat. Dès lors, les travaux ont été effectués par le service de Restauration des Terrains en Montagne et financés par l'Etat :
- entre 1870 et 1910, 280 barrages ont été construits dans les lits des torrents de Saint-Antoine et des Alberts, et des opérations de reboisement du versant ont été réalisées ; ces travaux visant à stabiliser les sols du bassin versant (et donc à limiter le transit de matériaux indésirables vers l’aval) sont qualifiés de correction à la source ou de protection active ;
- entre 1914 et 1918 le tracé du lit du torrent de Saint-Antoine a été modifié sur son cône pour l’écarter de la zone en expansion au nord du bourg à la fin du 19e siècle (son lit se trouvant alors à nouveau enserré, entre le Grand Hôtel ( aujourd’hui Résidence Abel Maurice pour personnes âgées) et l’Hôtel Oberland Français … avec les inconvénients que l’on devine en cas de crue, comme cela s’est produit en 1893 ou en 1905 !) ; une plage de dépôt (marais de la Morlière) a été réalisée à l’aval de ce nouveau chenal d’écoulement (dont seule la digue de rive droite, par ailleurs renforcée ultérieurement, a été conservée lors des travaux de 1998). ;
- dans les années 1950, tous les barrages en place ont été rénovés ;
- suite à l’éboulement de 1965 et jusqu’à la fin des années 1970, les ouvrages endommagés (digues et seuils) ont été rénovés, renforcés ou reconstruits, et de nouveaux murs et barrages ont été érigés.
La prise en compte des évènements de 1998
Les évènements de 1998, compte tenu de leur ampleur, ont justifié la réalisation de nouvelles études de risques afin d’une part de dimensionner les ouvrages de protection et d’autre part d'estimer l’importance des risques résiduels en vue de la mise en œuvre de dispositions complémentaires (urbanisme, plan de secours, …). Dès lors, les aménagements en place ont été redimensionnés et de nouvelles installations ont vu le jour (une digue et un merlon pare-blocs), l’objectif étant d’assurer une protection à la fois contre les évènements rares mais de forte intensité (comme ceux de 1998), et contre une conjonction d’évènements ou la succession de phénomènes similaires.
Le dimensionnement du nouveau dispositif de protection (Photo 8) a été effectué en se basant à la fois sur des études hydrauliques (menées par le bureau d’études ETRM), des études d’avalanches (menées par le service RTM) et des études de propagation de blocs dans le talweg du torrent (réalisées par la Société Alpine de Géotechnique), au vu des effets des éboulements de 1998. Les ouvrages aujourd’hui en place doivent ainsi permettre de résister à :
- un éboulement mobilisant plusieurs milliers de m³ de matériaux rocheux et composé de blocs de volumes unitaires atteignant 200 à 500 m³ (volumes semblables aux plus gros blocs déposés dans le lit du torrent en janvier 1998), le talweg se trouvant préalablement rehaussé suite à divers éboulements pour 300 000 m3 (en sus de ceux de 1998) et le lit torrentiel à l’aval non totalement curé ;
- une lave torrentielle de 5 mètres de haut (valeur calculée d’après la lave de juin 1998), la largeur du lit étant au minimum de 20 mètres pour éviter tout risque d’obstruction (arbres par exemple) ;
- une avalanche centennale, le niveau de remplissage du verrou étant supposé en situation 1998.
La protection contre les éboulements : le merlon pare-blocs
Les ouvrages de protection mis en place sur le cirque de Saint-Antoine visent à protéger les constructions du cône de déjection des chutes de matériaux. On parle ainsi de protection passive, par opposition à la protection active dont l’objet aurait été d’agir directement sur l’aléa pour le diminuer, voire le faire disparaître, en tentant de consolider la paroi en la fixant.
Le dispositif visant à protéger les infrastructures contre le risque d’éboulement, mis en place en 1998 et 1999, est constitué d’un merlon pare-blocs (Photo 9), d’une fosse et de plateformes à l’amont. Le merlon, recouvert de végétation, est constitué de terre, de nappes horizontales de géotextile et de pneus liés entre eux (qui permettent d’amortir le choc des blocs venant s’y heurter) ou d’enrochements ; haut de 7 mètres, il s’étend sur 340 mètres perpendiculairement au lit du torrent de Saint-Antoine (rive droite). La fosse, de 15 mètres de large, et les plateformes amont ont été terrassées dans le cône torrentiel, dans le but d’y favoriser le dépôt de blocs, ou du moins de minimiser les chances que des éléments passent au-dessus du merlon et finissent leur course dans le secteur urbanisé. Les eaux de ruissellement amont sont renvoyées selon la pente, soit vers le nouveau lit du Saint-Antoine, soit vers la petite Croix (les écoulements étant guidés par un ouvrage de 4 à 5 mètres de haut et de 120 mètres de long dans le prolongement du merlon vers le sud, sur l’emplacement de l’ancienne digue de la Condamine créée initialement pour bloquer au mieux les coulées boueuses ou avalancheuses en provenance de la draye de Prégentil).
A noter que ce merlon pare-blocs, qui ne sera amené à intervenir qu’en second recours en cas de débordement ou destruction partielle de la digue torrentielle par des blocs, a été réalisé avec une surlargeur conséquente de façon à pouvoir porter ultérieurement, si nécessaire, la hauteur de l’ouvrage à 11 mètres : la marge de sécurité en résultant illustre la difficulté du dimensionnement d’ouvrages de protection contre des aléas dont il est difficile d’appréhender à la fois l’importance, la chronologie, l’éventuelle concomitance … ; elle permet ainsi aux autorités de disposer d’un délai suffisant de réflexion et d’intervention en cas d’évènement de grande ampleur, ce qui ne dispense pas pour autant de ne pas faire preuve de prudence dans le développement urbain à l’aval compte tenu de ces incertitudes.
La protection contre les écoulements torrentiels : la digue et la plage de dépôt
La protection active du haut bassin du Saint-Antoine ayant été totalement détruite et compte tenu de la quantité de matériaux rapidement mobilisables par charriage et/ou laves torrentielles, seul un renforcement de la protection passive était envisageable car immédiatement opérationnel et bien adapté au moins à court et moyen terme. Les ouvrages réalisés visent à la fois à empêcher les écoulements de déborder du lit du torrent et à réguler le transport des matériaux de manière à favoriser leur dépôt dans des secteurs privilégiés, réduisant ainsi la puissance d’éventuelles laves torrentielles et évitant qu’elles ne se déposent sous forme d’amas obstruant le chenal. L’ensemble du dispositif actuel comprend ainsi :
- une digue, d’une hauteur minimale de 7 mètres à l’amont de la plage de dépôt des Alberts et de 5 mètres à l’aval, qui délimite sur le cône torrentiel et seulement en rive droite le chenal d’écoulement du torrent sur environ 1 km de long. Protégée contre les affouillements, elle vise à mettre la zone urbanisée située sur le cône torrentiel à l’abri de tout débordement ; le chenal élargi et recreusé sur la plus grande partie de son cours s’appuie en rive gauche sur le relief existant, accroissant d’autant la possibilité d’un stockage naturel des matériaux en transit. La digue torrentielle dans cette zone amont, outre la fonction de premier écran pare-blocs précédemment décrite, joue également un rôle particulier en matière de canalisation d’avalanches, ce qui explique qu’elle s’exhausse jusqu’à près de 15 mètres pour venir prolonger l’éperon rocheux verrouillant en rive droite la gorge ;
- une plage de dépôt (Photo 10) au niveau de la confluence entre le torrent des Alberts et celui de Saint-Antoine, correspondant à une portion du lit particulièrement large et à pente modérée destinée à favoriser le dépôt des matériaux et à les stocker sans qu’il y ait obstruction du lit : en effet, la pente longitudinale y est de l’ordre de 10 % contre 18 % à l’amont jusqu’à la sortie de la gorge, secteur où il faut éviter dans la mesure du possible la stagnation des matériaux compte tenu de sa plus faible largeur ;
- dans ce chenal, des seuils généralement en béton (Photo 11) et souvent hérités de l’ancien dispositif, avec adaptation pour respecter le nouveau profil en long du Saint-Antoine et, si nécessaires, élargissement ;
- une plage de régulation hydraulique (Photo 12) en aval (au niveau du marais de la Morlière, avant la confluence du torrent de Saint-Antoine et de la Rive) ; délimitée dans sa partie basse par une levée de terre (Photo 13) d’environ 1,50 m de hauteur, elle a pour objet de permettre le dépôt des matériaux fins atteignant l’exutoire du torrent de Saint-Antoine avant sa traversée sous l’ancienne route départementale 1091, la reconstruction de l’ouvrage busé, de gabarit insuffisant, étant prévue en 2009.
Par ailleurs la correction active du torrent des Alberts, non concerné par les évènements, reste en l’état : les seuils, implantés perpendiculairement au sens d’écoulement du torrent, visent, en stabilisant les profil en long et en travers, à diminuer la pente des chenaux pour dissiper l’énergie des eaux s’écoulant (ce qui réduit l’affouillement) et fragmenter les laves torrentielles.
Les études, suivis et travaux (en terrains domaniaux) pris en charge intégralement par l’Etat s’élèvent à près de 200 000 € TTC.
L’essentiel des travaux de protection a été réalisé sous maîtrise d’ouvrage communale (et maîtrise d’œuvre RTM) entre 1998 et 2000 pour environ 1 300 000 € HT ; la commune ayant été subventionnée par l’Etat, la Région et le Département.
La nécessaire libération foncière préalable des terrains au bénéfice de la commune (promesses de vente puis actes de régularisation) s’est effectuée sans difficultés particulières, les propriétaires concernés ayant fait preuve de compréhension au vu de l’enjeu collectif indéniable.
La prise en compte des impératifs de sécurité, compte tenu du risque permanent de nouveaux éboulements, a été une contrainte forte pour la réalisation de ce chantier. |