Charriage et lave torrentielle : les différentes armes du Manival pour transporter les cailloux



Panneau 4
(format PDF, 1,4 Mo)

 

Mélange d’argiles (marnes) et de gros blocs (qui peuvent atteindre plusieurs tonnes), les laves apparaissent souvent par bouffées successives homogènes et s’arrêtent quand la pente du torrent diminue. C’est souvent sur le cône de déjection du torrent où la pente est faible (de 8 à 12 % pour le Manival) mais des petites laves peuvent aussi s’arrêter dans le chenal d’écoulement (pentes d’environ 20 % pour le Manival).

Dans un torrent à « l’état naturel » (non canalisé comme aujourd’hui), l’obstruction du lit par les coulées successives de laves entraînait fréquemment une divagation des bouffées suivantes hors du lit torrentiel. C’était le cas pour le Manival durant tout le 19è siècle. On dit que le torrent « respirait » alors horizontalement : il déposait une lave puis passait à côté la fois suivante. Les travaux de correction torrentielle ont depuis conduit à stabiliser le Manival dans un lit unique. Il « respire » donc aujourd’hui verticalement. Les matériaux se déposent sur plusieurs mètres de hauteur dans son unique lit et sont entraînés plus en aval à la prochaine crue… jusqu’à ce qu’ils arrivent dans la plage de dépôt où ils sont systématiquement curés.

Les matériaux ne se déplacent cependant pas que sous la forme de laves torrentielles, loin de là ! Dans le Manival, le mode de transport le plus fréquent reste le charriage : les matériaux sont plus petits et roulent dans le fond du lit. L’écoulement a un aspect plus liquide, il n’est plus homogène comme dans le cas des laves torrentielles. Le charriage ne permet pas de transporter les énormes blocs, de 10, 15, 20 tonnes, voire plus, que sont capables de déplacer les laves torrentielles. En revanche la quantité totale de matériaux transportés par le charriage peut être considérable. On observe fréquemment dans le Manival des « nappes » de cailloux de plusieurs mètres de hauteurs, transportées par charriage.

La connaissance fine de ces phénomènes de charriage et de lave torrentielle est nécessaire au service RTM pour la bonne gestion du torrent. Il est aidé en cela par les différentes recherches menées par le Cemagref en matière de dynamique torrentielle. L’unité de recherche ETNA s’intéresse en effet depuis plusieurs années aux apports de la géomorphologie pour l’amélioration de la connaissance des processus d’érosion, d’écoulement et de transport solide qui caractérisent les petits bassins versant torrentiels. Un premier travail, dont l’objectif était d’élaborer une méthode de prédiction du volume maximal d’une lave torrentielle, et qui reposait en partie sur l’étude de photographies aériennes d’archives, a déjà fait l’objet d’une thèse soutenue en 2005 par Stéphane Veyrat-Charvillon (méthode PREVENT). Le Manival faisait alors partie des trois torrents étudiés.

Actuellement, l’unité de recherche ETNA mène de nouvelles études, en collaboration avec le service RTM de l’Isère et l’Université de Lausanne. Leur objectif est de mieux apprécier le potentiel de production sédimentaire des torrents mais aussi d’approfondir les connaissances sur la recharge sédimentaire des laves par érosion du lit au cours de leur propagation. Un programme de suivi destiné à quantifier les transferts sédimentaires en amont de la plage de dépôt a ainsi été mis en place pour le torrent du Manival. Ce travail s’inscrit dans le cadre de la thèse de Joshua Theule. L’approche géomorphologique retenue tente caractériser les phénomènes d’érosion et de dépôt dans le chenal du torrent grâce à son suivi topographique précis réalisé après chaque épisode de crue (laves ou charriage). A cette fin, 39 profils en travers ont été mis en place le long du chenal (les relevés sont effectués au tachéomètre) ainsi qu’un programme de suivi intensif des versants par LiDAR terrestre. Ce suivi topographique a déjà permis d’observer des fluctuations de 3 à 4 mètres du fond du lit sur des pentes de 16% ! Il permet aussi, grâce aux bilans de masses obtenus, de savoir si les matériaux charriés lors d’une crue proviennent du bassin de réception du torrent ou s’il s’agit de simples reprises de matériaux existants dans son chenal d’écoulement. Ce dispositif sera complété à brève échéance par l’installation d’une station de mesure des écoulements dans le cadre du projet Interreg Espace Alpin Paramount.

Des actions ont également été engagées en matière de reconstitution des événements de crue à partir de l’analyse dendrogéomorphologique du cône de déjections. Ces travaux, qui s’inscrivent dans le cadre de la thèse de Jérôme Lopez-Saez ont permis de compléter la chronique des crues du Manival établie à partir d’archives historiques. A terme, ces travaux pourraient permettrent d’établir des relations statistiques entre production sédimentaire et sollicitation météorologique et de pouvoir ainsi appliquer des règles ou des modèles à d’autres torrents. Ils pourraient conduire aussi à une réévaluation du volume des crues centennales qui conditionne à la fois le zonage de l’urbanisme (PPR) et le dimensionnement des travaux de protection. L’enjeu est donc de taille !

   
 

 
 


Sommaire

 

 

 

 
  © 2000 - 2015 Institut des Risques Majeurs | Plan du site | Notice légale | Crédits |