Le régime de la responsabilité pénale des élus locaux


L’article 121-3 du Code pénal cristallise à lui seul l’évolution et les enjeux de la responsabilité pénale des élus locaux.
Il fut modifié, successivement, par la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence, puis par la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser les différentes situations dans lesquelles les élus pouvaient voir leur responsabilité pénale recherchée.
Ces évolutions ont été dans un même objectif : limiter le domaine de cette responsabilité, surtout lorsque les élus n’ont pas commis directement le dommage.
Ainsi, le quatrième alinéa de l’article 121-3 exige une faute qualifiée en cas de lien de causalité indirect entre la faute et le dommage.

 

Définition du lien de causalité

Le lien de causalité est le lien de cause à effet entre la faute d’une personne et le préjudice subi par un tiers.

Depuis la loi du 10 juillet 2000, la causalité est un critère d’appréciation de la responsabilité pénale des personnes physiques :

- Lorsque la causalité est directe, une faute simple suffit à la responsabilité ;

- Lorsque la causalité est indirecte, c’est à dire lorsque les prévenus ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis le dommage, ou n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, une faute qualifiée est requise pour engager leur responsabilité.

 

Qui est l’auteur indirect du dommage ?

Sera considérée comme auteur indirect d’un dommage toute personne qui, dans le cadre d’une activité placée sous sa responsabilité, par un défaut d’organisation, de surveillance ou de contrôle, a créé ou laissé créé une situation dangereuse ayant permis la réalisation du dommage.

Par conséquent, il ne peut pas être la cause unique du dommage, mais on peut lui reprocher son inaction, que ce soit dans la réaction ou dans la prévention. 

Sont donc des auteurs indirects : les décideurs publics ou privés auxquels il est reproché de n’avoir pas fait prendre par leurs subordonnés les mesures nécessaires pour éviter le dommage.

 

Qu’est-ce que la causalité indirecte ?

Le lien de causalité doit être considéré comme indirect chaque fois qu’il est reproché à la personne poursuivie d’avoir, dans l’exercice d’une activité placée sous sa responsabilité, par un défaut d’organisation, de surveillance ou de contrôle, créé ou laissé créé une situation dangereuse ayant rendu possible la survenance du dommage dont la cause directe a été l’action ou l’omission de la victime elle-même, celle d’un tiers, ou encore un évènement naturel.

 

Le régime de responsabilité en cas de délit non intentionnel distingue selon que l’élu ait commis une faute directe ou indirecte :

  • L’intervention directe dans la réalisation du dommage est constituée par : une faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Dans cette hypothèse, le juge tient compte de « la nature des missions ou des fonctions du prévenu, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».
  • L’intervention indirecte dans la réalisation du dommage est constituée par : « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi» ou « une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ».

 

 

Régime de responsabilité des délits non intentionnels

 

Causalité directe

 

Faute simple :

  • Imprudence
  • Négligence
  • Manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Causalité indirecte

 

Faute qualifiée :

  • « Violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement»
  • « Faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité et qu’elle ne pouvait ignorer »

 

 

 

Régime de la causalité directe

Qu’est-ce que la causalité directe ?

Le lien de causalité est direct « chaque fois que l’imprudence ou la négligence reprochée est soit la cause unique, soit la cause immédiate ou déterminante de l’atteinte à l’intégrité de la personne » (1).

Imprudence : Acte positif relevant que l’auteur n’a pas vérifié toutes les règles applicables ou que l’auteur n’a pas pris toutes les précautions convenables.

Négligence : Omission dans la vérification ou la prise d’acte.

Manquement à une obligation de prudence : Omission d’agir alors même que l’obligation d’agir est inscrite dans un texte. Ce texte doit commander d’agir pour remédier à un risque.

 

Ces fautes suffisent, en principe, à engager la responsabilité du prévenu. Toutefois, sa responsabilité n’est engagée que s’il est avéré qu’il n’a pas accompli les diligences normales compte tenu des compétences (l’ancienneté et la qualification professionnelle sont prises en compte par les juges) ; et du pouvoir et des moyens dont il disposait (2).

 

Régime de la causalité indirecte

L’auteur indirect n’est pas celui qui a causé directement le dommage, mais peut être celui qui a créé ou contribuer à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou encore celui qui n’a pas pris les mesures pour l’éviter. C’est dans cette catégorie que se situeront les élus.

Dans cette hypothèse, il est nécessaire d’établir une « faute qualifiée » pour l’engagement de la responsabilité. Celle-ci peut prendre deux formes :

  • La violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ; c’est-à-dire la violation des dispositions d’une loi, d’un décret, ou d’un arrêté. 
    Dans cette hypothèse, il faut l’existence d’une obligation particulière, la connaissance de cette obligation, et la preuve que la personne ne l’a pas respecté de façon délibérée ;
  • Une faute caractérisée et qui expose autrui à un risque d’une particulière gravité que la personne ne pouvait ignorer ; trois éléments caractérisent cette faute :
    • Un acte positif : prise de décision ou abstention volontaire. La faute caractérisée doit apparaître avec « une particulière évidence, une particulière intensité, sa constance doit être bien établie, elle doit correspondre à un comportement présentant un caractère blâmable, inadmissible » (3)

    Qu’est-ce que la causalité directe ?

    Le lien de causalité est direct « chaque fois que l’imprudence ou la négligence reprochée est soit la cause unique, soit la cause immédiate ou déterminante de l’atteinte à l’intégrité de la personne ».

    Ainsi, le maire alerté d’un danger et ne prenant aucune mesure pour y remédier pourra être condamné sur ce fondement (4).

    • La faute doit exposer autrui à un dommage d’une particulière gravité, telle que la mort ou des blessures graves. La probabilité de survenance du risque doit être élevée.
    • L’élu ne pouvait pas ignorer le risque. La connaissance de la dangerosité de la situation vaut une faute caractérisée dès lors qu’aucune mesure n’est prise (5). Ainsi, un maire alerté par un maître-nageur, par courriers, des risques inhérents à l’opacité de l’eau d’un lac sur d’éventuellesopérations de secours, n’ayant pas interdit la baignade, commet une faute caractérisée (6).

Dans le titre de l’incrimination (mise en danger d’autrui), aucune mention n’est faite de la nécessité de la réalisation d’un quelconque dommage. C’est précisément le cœur de l’angoisse des décideurs publics, et la porte ouverte à la puissance judiciaire : la réalisation d’un dommage n’est pas nécessaire à l’engagement de la responsabilité pénale du Maire.

À titre d’illustration, les articles 223-1 pour les personnes physiques, et 223-2 pour les personnes morales, prévoient l’infraction d’exposition délibérée d’autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures. Cette infraction est sanctionnée d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, et cela sans qu’il soit besoin qu’un dommage soit survenu.

 

En cas de délégation de pouvoir

La notion de délégation de pouvoir fut admise dès 1902 par la Cour de cassation, qui estimait qu’un dirigeant ne pouvait pas tout surveiller lui-même.
En ce qui concerne les règles de délégation de pouvoirs, la Haute cour ne fait pas de distinction entre le chef d’entreprise et le maire, puisqu’il s’agit ici d’un concept pénal indépendant de la délégation de pouvoir et de signature en droit administratif.

En droit pénal, le délégué est pénalement responsable, à la place du dirigeant ou du maire, des infractions commises par les personnes qu’il a sous son autorité.
« Le délégué doit être une personne dotée de la compétence et de l’autorité nécessaires, ce qui implique des aptitudes techniques, une certaine autonomie et des moyens disciplinaires » (7).

La subdélégation est traditionnellement acceptée par la Cour de cassation (8).
Certains arrêts récemment rendus confirment une jurisprudence constante selon laquelle la personne déléguée par le chef d’entreprise ou le maire peut être considérée comme le représentant de la personne morale et engager par conséquent, la responsabilité pénale de celle-ci (9). Il faut pour cela que le délégataire ait accepté la mission (10) et que le délégant ait correctement apprécié les compétences de ce dernier (11). Il faut enfin, et surtout que la délégation soit efficiente, et donc que le délégataire bénéficie des pouvoirs nécessaires pour remplir sa fonction de contrôle et de surveillance pour sa responsabilité puisse être engagée.

En cas de faits non intentionnels, le régime applicable au délégataire est le même que celui applicable au maire ou au chef d’entreprise, c’est-à-dire celui de la faute qualifiée.

 

 

(1) D. Commaret, La loi du 10 juillet 2000 et sa mise en œuvre par la chambre criminelle de la Cour de cassation

(2) Cass. crim., 9 novembre 1999, n°98-87.432 et Cass. crim. 18 décembre 1990, n°90-86.304

(3) CA Poitier, 2 février 2001 ; Cass Crim, 2 juin 2002, n°01-81.280

(4) Cass. Crim, 13 février 1992, n°88-87.154 : le maire avait connaissance de l’absence de solidité d’un ouvrage public, dont la chute a causé la mort d’un enfant.

(5) Y. Mayaud, Lorsque la connaissance de l’insécurité vaut faute caractérisée, aspect sensible de la responsabilité des maires, Revue Science criminelle 2004, n°2, p. 347

(6) T. Corr. Agen, 22 septembre 2004, n°1301/04.

(7) Question écrite n°20113 de M. J.-Louis Masson, publiée dans le JO Sénat du 27/10/2005, p. 2765.

(8) Cass. Crim. 14 février 1991 n°90-80.122, confirmé par Cass. Crim. 30 octobre 1996 n°94-83.650, Cass. Crim 26 juin 2001 et Cass. Crim 22 juin 2004.

(9) Cass. Crim. 1er septembre 2010, n°06-87.331 et 09-87.234

(10) Cass. Crim. 23 mai 2007 n°06-87.590

(11) Cass. Crim 8 décembre 2009 n°09-82.183

   
 

 
 


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