| L’eau, déclencheur et accélérateur de glissements |
L’eau joue un rôle central dans les processus de glissements en milieux argileux. Elle exerce sur ces sols une influence particulière, qui se traduit de plusieurs manières.
L’influence de l’eau sur la stabilité des versants
Lorsque l’eau s’infiltre dans le sol, elle prend la place qu’occupait l’air dans les interstices, les fissures et les cavités. L’eau étant plus lourde que l’air, le terrain peut se retrouver surchargé, ce qui joue en faveur de la gravité au détriment de la force de cohésion.
Dans les sols cohérents (lorsque les particules qui les composent sont reliées entre elles de manière à constituer une masse compacte) comme les argiles, l’eau est aussi à l’origine d’un autre processus de déstabilisation, car elle détermine en grande partie leur comportement.
Lorsqu’un sol cohérent se charge en eau, les particules s’éloignent les unes des autres, sous l’effet de ce que l’on appelle la pression interstitielle. A mesure que cette pression s’intensifie, la force d’attraction qui unit les grains diminue et ils se mettent progressivement à évoluer indépendamment les uns des autres.
La consistance d’une masse initialement compacte et rigide se rapproche alors de celle d’une pâte. C’est exactement ce que l’on observe en poterie, quand on mouille la terre pour la ramollir et parvenir à la modeler. Si l’on ajoute encore de l’eau, elle peut même se liquéfier et se mettre à évoluer comme un liquide visqueux.
Il arrive donc, lorsqu’il pleut en quantités suffisantes, que des coulées de boue de tailles variables se forment sur les versants argileux. Il peut s’agir de petites coulées qui se développent en surface et sont indépendantes des glissements, ou bien de phénomènes de grande ampleur. Par exemple, en 1981, la combe de l’Harmalière a été le théâtre d’une coulée d’un volume de quelques centaines de milliers de mètres cubes qui s’est formée dans la partie basse du glissement.
Le rapport particulier eau / argiles
Les roches et les sédiments peuvent naturellement contenir de l’eau. La place qu’elle occupe dans une masse donnée s’exprime en pourcentage du volume total : c’est ce qu’on appelle la teneur en eau.
Il existe des valeurs seuil à partir desquelles les matériaux vont changer de comportement, du fait de la perte de cohésion entre les particules. On distingue ainsi :
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la limite de plasticité, qui désigne la teneur en eau à partir de laquelle une masse solide adopte une consistance comparable à celle d’une pâte et se déforme
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la limite de liquidité, qui est le pourcentage d’eau au-delà duquel la masse se liquéfie et coule
Les terrains argileux peuvent contenir naturellement jusqu’à 30% d’eau. Or leur limite de liquidité est très proche de cette valeur, car elle est estimée à une teneur en eau comprise entre 32 et 45% environ. Autrement dit, l’infiltration de très faibles quantités d’eau peut parfois suffire à ramollir le sol, voire à déclencher des coulées.
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Ce processus de dégradation et d’altération du matériau peut s’opérer dans le sol s’il y a des écoulements souterrains. La perte de cohésion qui en résulte peut entraîner la formation d’une zone de discontinuité, ou surface de cisaillement, dont la forme peut varier selon la nature des terrains :
- dans les masses homogènes, les surfaces de discontinuité sont courbes (comparables aux traces laissées par une cuillère dans un flan) : il s’agit dans ce cas de glissements rotationnels
- si elles sont hétérogènes, comme dans les argiles litées, les surfaces de cisaillement se forment au niveau de fissures plus ou moins verticales et suivent des zones de contact entre les couches saines et les couches de sédiments altérés (ceux dont les propriété physico-chimiques se sont modifiées avec le temps) : on parle alors de glissement plan
Ces deux cas théoriques s’avèrent plus complexes dans la nature. Par exemple, lorsqu’une masse d’argiles litées s’altère sur une grande épaisseur, l’organisation des sédiments en fines couches s’estompe et la masse tend à s’homogénéiser, si bien que des glissements rotationnels peuvent s’y développer.
Lorsque l’eau pénètre en quantité suffisante dans la zone de discontinuité, la pression interstitielle s’exerce sur les deux compartiments qu’elle sépare : la masse désolidarisée de la partie stable glisse alors le long de la surface de discontinuité, jusqu’au niveau où elle retrouve sa stabilité. On observe alors une niche d’arrachement dans la zone de départ du glissement et un bourrelet dans la zone d’arrêt.
Comment l’eau vient-elle s’accumuler dans ces sols ?
L’augmentation de la teneur en eau d’un terrain est généralement étroitement liée aux conditions météorologiques : on la doit le plus souvent à des infiltrations ou des remontées de nappes phréatiques consécutives à des précipitations importantes (intenses et/ou prolongées), auxquelles peuvent venir s’ajouter la fonte des neiges. Les glissements du Serre-des-Bayles (Monestier-du-Percy) en 1978, de l’Harmalière (Sinard) en 1981 et de la combe des Parajons (la Salle-en-Baumont) en 1994 se sont par exemple produits dans un contexte similaire, à la suite de fortes pluies et de la fonte du manteau neigeux.
Si l’on doit le plus souvent attribuer l’augmentation de la teneur en eau d’un terrain à des causes naturelles, il arrive aussi qu’elle soit liée à la présence de l’homme et à ses activités, par exemple en cas de fuites, voire de rupture, de canalisations souterraines, ou de concentration de rejets en eau après une imperméabilisation des surfaces. |