La circulaire du Premier ministre du 15 décembre 1981, dite circulaire Mauroy, a créé un outil très intéressant pour l’information des citoyens sur le risque nucléaire à travers la mise en place de commissions locales d’information (CLI) auprès des installations nucléaires françaises. L'expérience des commissions locales d’information, regroupées au sein de l’ANCCLI (www.anccli.org), la fédération nationale, représente un exemple unique en Europe d’implication des acteurs locaux sur les questions nucléaires.
Définitivement constituées par la Loi TSN (Transparence et Sécurité nucléaire) de 2006 et confortées dans des missions étendues par la loi TECV (Transition énergétique pour une croissance verte) de 2015, l’ANCCLI et les CLI souhaitent contribuer à l’objectivité, à la qualité et à la pluralité des informations mises à disposition des citoyens. La mission de ces commissions étant à la fois une mission d’information et une mission de suivi permanent de l’impact des grands équipements énergétiques.
Ces instances locales d’expression pluraliste comprennent des pronucléaires, des antinucléaires, des gens sans parti pris, des gens comme vous et moi mais avec un objectif commun : comprendre et savoir ce qui se passe dans une installation nucléaire, être informés – notamment lors de dysfonctionnement, participer à l’amélioration continue, participer au renforcement de la sûreté. En somme, apporter le point de vue du citoyen.
L’accident de Fukushima a démontré qu’une véritable veille citoyenne était indispensable, même dans les pays démocratiques où règne l’excellence technologique. Dans le contexte de la gouvernance des activités nucléaires, en particulier dans le domaine de la sûreté et de la gestion des déchets nucléaires, la vigilance de la société civile est, en effet, une nécessité. Elle doit être au cœur de la sûreté nucléaire.
Plus de cinq ans après la catastrophe de Fukushima, et trente ans après celle de
Tchernobyl, ce terrible retour d'expérience s'impose plus que jamais à nous. Tout d'abord, un accident nucléaire de grande ampleur constitue, partout où des installations fonctionnent, une éventualité qu'il faut bien sûr tout faire pour éviter, mais à laquelle il faut se préparer. Ensuite, les conséquences d'un tel accident s'étendent, dans l'espace et dans la durée, bien au-delà de ce que l'on a eu l'habitude autrefois de considérer.
Enfin, et c'est peut-être le plus important pour l'ANCCLI, un accident nucléaire ne se réduit pas à la vision d'experts – un problème sur une centrale conduit à des rejets dans l'environnement, exposant des populations qu'il faut protéger de cette radioactivité. C'est aussi et surtout un événement disruptif majeur et irréversible dans la vie des populations et dans l'organisation des territoires concernés par ces retombées. Pour l’ANCLI, les citoyens doivent donc être au cœur de la gestion de crise.
Le risque d’accident nucléaire et ses conséquences constituent aujourd’hui un sujet majeur sur lequel l’ANCCLI, sans entrer dans un débat sur l’acceptabilité de ce risque, se doit de relayer les préoccupations croissantes des populations locales et des élus.
L’incertitude et la complexité des situations engendrées par de tels accidents montrent à quel point il est illusoire d’espérer les maîtriser. L’idée s’impose cependant progressivement qu’il faut justement se préparer au mieux à faire face à cette éventualité.
C’est pourquoi depuis quelques années, et de manière accentuée depuis l’accident de Fukushima-Daiichi, des réflexions sont engagées, tant au niveau national qu’européen, pour se préparer à gérer au mieux une situation accidentelle et ses conséquences. Les commissions locales d’information (CLI) et leur fédération l’ANCCLI, s’impliquent de manière croissante sur ces sujets (création d’un groupe permanent sur la gestion de crise et le post-accident, rédaction d’un livre blanc, expertises sur les PPI (Plan particulier d’intervention) par le comité scientifique…).
En 2014, le ministère de l’Intérieur a décidé, à la suite de la catastrophe de Fukushima, de revoir certains points du dispositif sur les situations d’urgence, via le Plan national de réponse à un accident nucléaire ou radiologique majeur. Si l’ANCCLI s’est félicitée de cette initiative, elle a regretté que la société civile, pourtant au cœur de l’urgence, n’ait pas été associée à l’élaboration de ce plan.
Le 26 avril 2016, la ministre de l’Environnement Ségolène Royal a annoncé l’extension du rayon du périmètre PPI de 10 à 20 km pour toutes les centrales nucléaires. Une note du ministre de l’Intérieur du 3 octobre 2016 est venue confirmer cette évolution et a été transmise à tous les préfets. Cette note précise que ces « évolutions devront être relayées auprès des commissions locales d’information ». Si cette information sur l’évolution des PPI circule actuellement dans les CLI, un effort de sensibilisation doit encore être fait, surtout vers les élus qui semblent complètement oubliés et démunis face à des responsabilités dont ils auront la charge.
L’ANCCLI propose d’avoir une réflexion à l’échelle du bassin de vie de la population autour de chaque installation nucléaire. Les services de la direction générale de la Sécurité civile et de la gestion de crise ont établi un guide spécifique pour les PPI applicables aux CNPE (Centre nucléaire de production d’électricité) d’EDF. Ce guide précise l’ensemble des évolutions qu’il convient d’intégrer lors de la révision des PPI de ces CNPE. En accord avec le ministère de l’Intérieur, ces guides ont aussi été envoyés aux présidents de CLI. L’ANCCLI souhaite qu’une large information puisse être faite auprès des élus notamment pour les communes situées dans le périmètre des 10 à 20 km.
Dans une position commune publiée en octobre 2014, les associations européennes d’autorités de sûreté et de radio- protection, WENRA (Western European Nuclear
Regulators’ Association) et HERCA (Heads of the European Radiological protection
Competent Authorities) considèrent qu’en Europe, l’évacuation doit être préparée jusqu’à 5 km autour des centrales nucléaires et l’ingestion de comprimés d’iode et la mise à l’abri jusqu’à 20 km. De plus, une stratégie doit être mise en place de manière à pouvoir étendre l’évacuation jusqu’à 20 km et l’ingestion de comprimés d’iode et la mise à l’abri jusqu’à 100 km. L’Europe applique donc un principe de précaution que l’ANCCLI voit d’un bon œil.
Dans un contexte à la fois de libération de l’information et de sensibilité croissante de la société civile, des interrogations ont émergé sur le contenu et la fiabilité, en France, des Plans particuliers d’intervention (PPI). Mais ces questions restent toutefois trop peu discutées dans notre pays au niveau des populations.
Ces PPI prévoient la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures de protection des populations. Ces mesures sont-elles suffisantes ? Leurs modalités de mise en œuvre satisfaisantes ? Comment en particulier l’iode stable, qui a vocation à protéger contre les rejets d’iode radioactif, serait-il mis à la disposition du public et comment serait-il administré ? Comment associer la société civile à l’élaboration et à la mise en œuvre des PPI ?
Autant de questions qui ont conduit l’ANCCLI depuis de nombreuses années à mandater des expertises et à produire des recommandations.
• Le livre blanc de l’ANCCLI sur « nucléaire et territoire, quels rôles des CLI ? Quelle implication de la population dans la planification de gestion de crise et de gestion post-accidentelle ? » http://www.anccli.org/les-livres-blancs
• L’étude de l’ACRO sur les « plans d’urgence nucléaire en France : forces et faiblesses » http://www.anccli.org/les-publications
• L’expertise du comité scientifique de l’ANCCLI sur les plans d’urgence : http://www.anccli.org/les-publications-du-comitescientifique
Illustrations :
7-couv-LB-post-accident: Page de couverture du libre blanc V de l’ANCCLI janvier 2017
7.M. Lelalonde : Jean-Claude Lelalonde, Président de l’ANCCLI
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