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Les conséquences de l’évolution de la doctrine pour les territoires en matière de gestion de crise et post catastrophe

Publié le 5 janvier 2018

Par Mathias Lavolé

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Les conséquences de l’évolution de la doctrine pour les territoires en matière de gestion de crise et post catastrophe
Illustration des différentes zones en cas d’accident nucléaire et radiologique majeur sur un CNPE

En France, en cas d’accident nucléaire ou radiologique majeur, la réponse opérationnelle de l’État pour assurer la protection de la population est prévue depuis de nombreuses années. Or, les derniers retours d’expérience des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima ont montré que ces accidents peuvent avoir des conséquences bien au-delà des périmètres de protection initialement prévus. Fort de ces constats, l’État a entamé, ces dernières années, une révision en profondeur de la doctrine nationale. Focus sur les conséquences de cette révision.

Les éléments de la première doctrine nationale avaient, à l’origine, été établis en considérant des accidents nucléaires entraînant des rejets radioactifs de courte durée (moins de 24 heures) sans pour autant envisager les conséquences de ces rejets radioactifs à moyen ou long terme. La modification de la doctrine nationale de réponse en cas d’accident nucléaire ou radiologique majeur devait donc proposer une évolution des procédures de réponses opérationnelles lors de la phase d’urgence, mais elle devait également proposer des éléments concernant la gestion de la phase post-accidentelle. Cette évolution de la doctrine devait ainsi permettre de répondre à trois objectifs indissociables :

  • Protéger la population contre les dangers des rayonnements ionisants ;
  • Apporter un appui à la population victime des conséquences de l’accident ;
  • Reconquérir les territoires affectés sur le plan économique et social.

Bien que nécessaire, l’évolution de cette doctrine nationale va donc entraîner un certain nombre de changements concernant les mesures à mettre en œuvre en cas d’événement. À l’heure où les modalités pratiques de mise en œuvre de ces mesures (plus ou moins nouvelles) se posent en termes de planification et de réponse opérationnelle, il convient donc de s’interroger sur les conséquences que cela entraînera pour les collectivités territoriales dans le rôle qu’elles auront à jouer pour assurer la protection de la population.

Les conséquences de l’évolution de la doctrine nationale pour les communes :

La première conséquence de l’augmentation du périmètre du PPI nucléaire de 10 à 20 km autour des installations « à risque » est l’apparition d’une obligation de réaliser un Plan Communal de Sauvegarde (PCS) pour les nouvelles communes dans le périmètre. Or, si cette obligation est relativement bien respectée actuellement dans le périmètre des 10 km (en Auvergne-Rhône-Alpes environ 80 % des communes dans le périmètre de 10 km des PPI nucléaires ont réalisé leur PCS – source GASPAR 10/2017), le travail à réaliser dans le futur périmètre de 20 km est quant à lui encore important (en Auvergne-Rhône-Alpes environ 50 % des communes dans le périmètre de 20 km des futurs PPI nucléaires ont réalisé leur PCS – source GASPAR 10/2017). À titre d’illustration, dans le cadre de l’augmentation du périmètre PPI à 20 km, cela représente environ 200 communes en Auvergne-Rhône-Alpes qui devront réaliser un PCS.

« Environ 200 communes en Auvergne-Rhône-Alpes qui devront réaliser un PCS »

La deuxième conséquence de cette augmentation du périmètre PPI est la révision du périmètre de distribution des comprimés d’iode stable qui évoluera de 10 à 20 km autour des installations à risques. Cela équivaut, sur l’ensemble de la France, à faire évoluer la distribution des comprimés d’iode stable de 512 communes (soit environ 970 000 habitants) à 1588 (soit environ 2 900 000 habitants). L’État et les exploitants des installations à risque devront donc réfléchir à la manière de procéder pour pouvoir fournir l’ensemble des comprimés d’iode stable à la population du nouveau périmètre.

Enfin, cette évolution de la réponse opérationnelle en cas d’accident nucléaire ou radiologique majeur devra, dans tous les cas, entraîner une augmentation du périmètre d’information autour des installations à risque (qui passera de 10 à 20 km autour des sites), mais devra également proposer une politique d’information élargie. Cette politique d’information aura pour but à la fois d’informer les nouvelles communes et leurs habitants de leur intégration dans le périmètre des PPI mais également d’informer l’ensemble des habitants (anciens et nouveaux) de l’évolution de la doctrine nationale (confinement dans les 2 km, prise d’iode puis évacuation dans les 5 km ou plus sur ordre des autorités si nécessaire et restriction de consommation de certaines denrées alimentaires).

Les questionnements soulevés par l’évolution de la doctrine nationale :

De nombreux rapports, organismes et retours d’expérience soulèvent la difficulté de définir les modalités d’évacuation d’un territoire, notamment dans le cas d’un accident nucléaire. L’évacuation représente en effet la mesure de protection la plus complexe, car elle nécessite une bonne coordination entre les différents acteurs, la transmission d’informations pertinentes au public et la mise en place d’une logistique lourde. Celle-ci doit souvent être décidée en tout début de crise lorsque la situation dans l’installation à risque peut être encore incertaine. L’évacuation est aussi la mesure de protection des populations la plus lourde de conséquences, car elle peut conduire à un déménagement forcé avec perte totale du logement, de l’emploi et de tous les biens en cas de catastrophe majeure, comme cela a été le cas autour des centrales de Tchernobyl ou Fukushima, avec une rupture du lien social entre personnes proches, voire même à l’intérieur d’une même famille. L’évacuation est donc une décision difficile à prendre, qui aura aussi des conséquences économiques à long terme pour tout le pays.

Dans le même temps, une réflexion sur la prise en charge des personnes évacuées, qu’elles soient vulnérables ou non, semble nécessaire pour tenter d’identifier les axes limitant de la doctrine. En effet, alors qu’une réflexion s’engage concernant l’évacuation des populations dans les 5 puis potentiellement les 20 km, il semble important de se questionner sur les conditions de relogement de celles-ci. Un travail futur sera donc à réaliser pour tenter de cibler les hôpitaux et les capacités d’accueil (gymnases, salles des fêtes, etc.) dans un rayon d’environ 80 km autour des installations à risque pour être en mesure de réfléchir en interservices à un plan d’urgence « évacuation des populations » permettant d’organiser l’évacuation sur des sites adaptés et déjà ciblés.

« toutes ces mesures de protection (dont évacuation) nécessitent de pouvoir informer et alerter la population de  l’événement et donc de diffuser des consignes à suivre. »

De plus, toutes ces mesures de protection (dont évacuation) nécessitent de pouvoir informer et alerter la population de l’événement et donc de diffuser des consignes à suivre. Il conviendra ainsi, lors de ces futures réflexions, de s’interroger sur les moyens d’alerte à utiliser en cas d’événement et notamment l’utilisation des nouvelles technologies de l’information qui ne sont pas toujours prises en compte.

Enfin, un intérêt particulier devra être porté sur les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS) et leur intégration de cette nouvelle doctrine nationale. La réalisation d’un volet spécifique dans le PCS en cas d’accident nucléaire ou radiologique majeur pourrait ainsi trouver un intérêt particulier en permettant une articulation plus forte entre le PCS ET PPI.

Le travail à réaliser concernant l’après événement (post catastrophe) :

La nouvelle doctrine nationale de réponse en cas d’accident nucléaire ou radiologique majeur souhaite également proposer un certain nombre de mesures, plus ou moins innovantes, pour réduire les conséquences post-événement. Trois objectifs dits « fondamentaux » sont ainsi présentés :

  • Protéger les populations contre les dangers des rayonnements ionisants ;
  • Apporter un appui à la population victime des conséquences de l’accident ;
  • Reconquérir les territoires affectés sur le plan économique et social.

Bien que cette prise en compte du post-événement ne soit pas encore totalement définie, six points clefs de la gestion post-accidentelle semblent apparaître :

  • Mise en place immédiate d’un zonage des territoires contaminés, qui constitue le cadre de la mise en œuvre des actions de protection ;
  • Mise en œuvre d’une prise en charge médicale et psychologique de la population affectée, d’un suivi dosimétrique et épidémiologique, d’un soutien financier, voire d’une indemnisation ;
  • Caractérisation de la situation radiologique et des niveaux de contamination des denrées alimentaires ;
  • Mise en place rapide d’une démarche spécifique de gestion de l’eau du robinet ;
  • Préparation des actions de réduction de la contamination et de solutions pérennes de gestion d’importantes quantités de déchets d’origine et de nature diverses ;
  • Établissement d’une nouvelle gouvernance fondée sur la vigilance et la participation des personnes concernées.

 

Les prochaines étapes du projet d’évolution de la doctrine nationale :

Enfin, pour que cette doctrine nationale soit toujours plus pertinente, l’État a prévu dans les prochaines années de :

  • Mettre à l’épreuve et compléter la doctrine en prenant en compte des scénarii variés de situations accidentelles : rejet de longue durée, accident sur INB (autres que REP), …, et analyser le REX des crises réelles (accidents de Fukushima et de Tchernobyl) et des exercices de crise, notamment étendus à la phase post-accidentelle ;
  • Approfondir certains sujets portant sur le début de la phase de transition (gestion des matériaux et produits manufacturés, des déchets faiblement contaminés, etc.) ;
  • Accompagner la préparation de la gestion post-accidentelle et contribuer à la préparation d’outils d’accompagnement de la déclinaison locale et d’outils de gestion de la sortie de la phase d’urgence ;
  • Participer au dialogue avec les services déconcentrés dans le cadre de la planification ORSEC/PPI pour le volet post-accidentel ;
  • Faciliter l’appropriation des éléments de doctrine pour la gestion post-accidentelle par les élus, associations, acteurs économiques par l’information et la sensibilisation de ces acteurs ;
  • Prendre en compte et partager les actions internationales.
  • Prendre en compte et partager les actions internationales.

 

/// Article paru dans la revue "Risques Infos" n°36, janvier 2018, à consulter ici

 



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