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Les Smartphones et les Réseaux Sociaux comme outils d'aide à l’alerte face aux inondations : enjeux et perspectives

Publié le 8 avril 2015

Par François Giannoccaro

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Les Smartphones et les Réseaux Sociaux comme outils d'aide à l’alerte face aux inondations : enjeux et perspectives

L’information en temps réel et sa diffusion au plus grand nombre, notamment sur la dimension spécifique de l’alerte, demeurent des éléments cruciaux en cas d’inondation et notamment des crues à cinétique rapide. Un séminaire à l’initiative de l’Université d’Avignon (UMR 7300 ESPACE) s’est tenu dans cette faculté les 25 et 26 mars 2015 afin de présenter en quoi les réseaux sociaux numériques et les smartphones apparaissent comme des opportunités pouvant compléter les systèmes d’information et d’alerte existants. Notre institut est intervenu à cette occasion pour tenter de répondre à la question suivante : « Peut-on tirer profit des Médias Sociaux en Gestion de l’Urgence au niveau local ?».

Les smartphones et les réseaux sociaux pour aider à l’alerte

Ce séminaire, qui a réuni plus d’une centaine de participants (et 800 « téléspectateurs » à distance via la visioconférence qui a été mise en place par l’Université sur les deux jours), a été l’occasion de fédérer les scientifiques, les prévisionnistes, les gestionnaires de crise, les services en charge de la sécurité civile (administrations et collectivités territoriales) et les entrepreneurs autour d’une question commune : les Smartphones et les Réseaux Sociaux peuvent-ils contribuer à optimiser l’efficacité de l’alerte face aux inondations en France (cf. programme ci-dessous) ?

Les médias sociaux en gestion de l’urgence : les #MSGU

Alors qu’en ce début d’année 2015, le baromètre de l’Institut Edgar Quinet fait apparaitre que 96 % des collectivités françaises sont présentes sur Facebook et 88 % sur Twitter (on compte également 80 préfectures de département sur Twitter et 46 sur Facebook), il est légitime de s’interroger sur la valeur ajoutée et le rôle que peuvent jouer les médias sociaux en gestion de l’urgence (#MSGU) pour les acteurs du secours, de la sauvegarde mais également dans une perspective d’implication civile et citoyenne. Le sigle #MSGU est utilisé depuis 2012 dans l’espace francophone pour désigner la démarche permettant de tirer profit, pour la gestion d’événements majeurs, des médias sociaux en situation d’urgence.

Les médias et les réseaux sociaux sont des modes de communication qui connaissent une expansion rapide et qui peuvent représenter une opportunité pour le domaine de la défense et de la sécurité civile en ce qui concerne la gestion des situations d'urgence et notamment la communication de crise voire comme outils d’aide à la mise en vigilance et à l’alerte. L’ensemble des spécialistes de la communication de crise s’accorde à préciser que les médias sociaux doivent être utilisés par les acteurs du secours et de la sauvegarde de manière complémentaire avec les autres moyens de communication plus classiques et non isolément, comme un canal de communication privilégié à part, encourageant les institutions à être proactives et organisées sur ces réseaux pour éviter la propagation de rumeurs.

Du côté de la population en cas d’événement majeur, les citoyens ont besoin d’une information pertinente, que ce soit pour adapter leur comportement aux risques, trouver l’aide dont ils ont besoin, savoir comment se mettre en sécurité, ou être rassurés sur le traitement de l’urgence par les autorités. Ils vont pour cela se tourner vers les flux médias classiques (radio et télévision) mais aussi ces derniers mois, s’ils sont connectés, vers les moteurs de recherche et les médias sociaux. Les citoyens au cœur de l’événement sont, eux, en situation de produire de l’information. Étant sur place, ils ont la possibilité de prendre des photos ou de capter des vidéos. Ils n’ont pas, ou peu, accès aux médias de flux conventionnels, mais peuvent poster des images et des commentaires immédiatement sur leur compte Twitter, Facebook, YouTube ou Instagram. Et l’expérience montre qu’ils le font de manière très spontanée, ne serait-ce que pour informer leurs proches et leur famille de la situation. Or cette information, disponible sans délai et le plus souvent géolocalisée, peut avoir un intérêt certain pour le gestionnaire de crise.

Quels types d’informations sur les réseaux sociaux ?

Au cours de l’ouragan Sandy qui a frappé les Caraïbes et les États-Unis dans les derniers jours du mois d’octobre 2012, pas moins de 20 millions de tweets ont circulé pendant l’évènement. Twitter a permis à des milliers d’américains de diffuser des informations  en temps réel, et ce excessivement rapidement. Ce moyen de communication est apparu très efficace pour la communication entre autorités, services d’urgence et population. Mais certaines limites ont été également pointées  par les autorités qui ont dû réguler spécifiquement les rumeurs et la désinformation. Il semblerait que cet évènement d’ampleur exceptionnelle ait contribué au niveau planétaire à consacrer le paradigme des #MSGU.

Une étude menée fin 2013 par des chercheurs de l’IBM (Research Labs de Delhi - Inde) sur 7,8 millions des tweets les plus «populaires» postés lors des attentats du marathon de Boston de 2013 conclut que 29% des messages contenaient des informations fausses, 50% des messages consistaient en des opinions et commentaires et tout de même 20% contenaient des informations factuelles vérifiées.

Une autre étude en 2013 (What to Expect When the Unexpected Happens: Social Media Communications Across Crises, Olteanu, Vieweg, Castillo - ci-dessous) a analysé 26 situations de crises différentes qui ont eu lieu en 2012 et 2013 pour apprécier la nature et le volume des informations qui circulaient sur les réseaux sociaux. Elle a classé les types d’informations en 6 catégories :

- Les personnes affectées : Demande d’aide médicale, personnes  piégées, les blessés et les dégâts, les personnes perdues (demande, vue, trouvée),
- Infrastructures : Dommages des bâtiments, environnement, inondations éventuelles, statut des hôpitaux et cliniques, fermeture des routes et trafic routier,
- Donations et volontaires : Donation d’argent, biens ou services ; demande de coordination ; besoin d’abris, distribution de nourriture, informations sur les volontaires
- Mise en garde et conseils : Conseils, mise en garde, consignes.
- Marque de sympathie et aspects émotionnel : Marques de préoccupation et condoléances, remerciements, messages émotionnels,
- Autres informations : Ligne de feu, lieu de l’incident, météo, niveau d’intempérie, vent, visibilité, fumées, cendres, métadiscussions, autres informations, vérification d’information et explications de problèmes spécifiques.

L’usage des #MSGU du côté des acteurs de la sécurité civile

L’usage des #MSGU que d’autres pays ont déjà partiellement intégrés au niveau de certains organismes de défense civile fait apparaitre plusieurs avantages d'ordre pratique tels que (non exhaustif) :

- la couverture d'un public plus large et l’amélioration du rapport coût/efficacité de la diffusion d'information,
- le traitement rapide des rumeurs,
- l'amélioration de l'évaluation des besoins du public,
- l'augmentation du volume d'informations et l’accélération de la collecte lors de la phase d'action,
- la précision des actions ciblées à travers l'identification en amont des points cruciaux,
- l'accélération du rythme de diffusion des informations auprès des communautés
- l'amélioration des constats par les intervenants sur le terrain dans les zones de crise,
- l'intensification des liens sociaux et des interactions au sein de la communauté et le renforcement des rapports entre les organisations et la communauté.

L'utilisation des médias sociaux et des smartphones s’avèrerait donc à l’évidence intéressante dans le traitement des situations d’urgence qu’elles soient prévisibles ou bien subies. En France, le gouvernement, les responsables et décideurs locaux, les collectivités ont plutôt tendance (cas général) à utiliser les réseaux sociaux en dehors des situations de crise. Les #MSGU ne sont pas encore intégrés systématiquement comme mode de communication et comme opportunité pour la sécurité en cas de crise. Ceci étant, la prise de conscience collective jusqu’aux citoyens est en train de s’opérer. Mais les pratiques restent encore isolées. Un des premiers VOST (Virtual operations support team) francophone a été créé en France à travers l’initiative de VISOV (Les Volontaires internationaux en soutien aux opérations virtuelles sont regroupés depuis 2014 au sein d’une organisation à but non lucratif). Le milieu de la recherche universitaire et de l’enseignement professionnel s’en saisit. Le défi est à relever dès maintenant et il va supposer de dépasser le modèle (ou paradigme) institutionnel à la française. La légitimité des institutions de l’urgence s’en trouvera forcement en partie bousculée.

 

 

En savoir plus :

> Programme des deux journées du séminaire à télécharger au format PDF
http://www.geo.univ-avignon.fr/Colloques/SMARS2015/Programme-SMARS_A5.pdf

> Livret des résumés du séminaire à télécharger au format PDF
http://www.geo.univ-avignon.fr/Colloques/SMARS2015/SMARS15_Resumes.pdf

> Accéder au guide traduit en français : Social Media in an Emergency: A Best Practice Guide. Wellington Region CDEM Group
http://www.irma-grenoble.com/01actualite/01articles_afficher.php?id_actualite=530


Télécharger :

> Accéder à l'étude What to Expect When the Unexpected Happens: Social Media Communications Across Crises, Olteanu, Vieweg, Castillo - 2013
/PDF/actualite/articles/cscw2015_transversal_study.pdf



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