Politiques publiques | Risque industriel
/// Retour sur l'article de Benoît Sapet : Communication à chaud sur accidents industriels mineurs : le poids des mots, In Risques Infos, n°38, mars 2019, p. 14
En cas d’accident majeur sur les sites industriels relevant de l’article L741-6 et R741-18 du Code de la sécurité intérieure, les procédures d’information, de communication voire d’alerte des populations aux abords de ces installations sont généralement bien cadrées, définies et testées à l’occasion d’exercices réguliers.
Pour ce qui est des incidents mineurs, perceptibles à l’extérieur du site industriel, l’information et la communication sont moins formalisées et apparaissent peu évidentes àla lumière de plusieurs événements récents.
Bruits, odeurs, fumées, sirènes… génèrent souvent des inquiétudes auprès des riverains même si, dans la plupart des cas, ils n’affectent pas la sécurité ou la santé des personnes. Ces inquiétudes et l’attente d’information qu’elles génèrent sont généralement relayées aujourd’hui en temps réel par les incontournables réseaux sociaux et par les riverains auprès des autorités locales qui se trouvent désarmées pour ce qui estde leur communication et de leur protocole d’information en temps réel, faute de pouvoir disposer rapidement d’informations fiables et intelligibles de la part de l’industriel concerné. Or, de son côté, l’industriel a besoin d’analyser et d’expertiser la situation avant de pouvoir communiquer.
Feyzin (2011, incendie causé par la foudre)[1], Berre (2011, incident sur un procédé entraînant un fort dégagement de fumée), Lubrizol (2013, accident industriel sur un procédé occasionnant un fort dégagement malodorant)[2] : autant d’exemples de cas récents qui n’ont eu aucune conséquence environnementale ou encore d’enjeux sanitaires, mais qui ont soulevé de vives inquiétudes de la population. Ces différents cas ont amené les acteurs locaux de certains « bassins de risque industriel » à se pencher sur ces questions[3].
Initiative lancée, il y a maintenant onze ans, par le ministère en charge de l’environnement, la « communication à chaud » vise à informer les acteurs locaux (mairie, préfecture, services de l’État) en cas d’incident, même mineur, sur les sites industriels à risque. C'est une démarche volontaire et non réglementaire. À l’appui, l’Union des industries chimiques a rédigé un guide appelé « Kit de communication à chaud »[4] en 2016, destiné aux industriels, qui concourt à la mise en pratique de cette communication.
Cette communication à chaud sur un incident peut être problématique pour l’industriel. En effet, la communication dépend des délais nécessaires à la perception de la situation (collecte ou traitement des données accidentelles : par exemple taux d’émission de produits dans l’atmosphère). De plus, il ne suffit pas d’apporter une donnée brute aux autorités locales, il faut aussi l’expertiser afin de faciliter la compréhension de l’information. Cette « intelligibilité » des données a pour objectif d’aider les autorités à la prise de décision (consignes de sécurité).
La réalité de ces petites crises vécues localement fait apparaître que l’information et la communication de l’industriel à l’extérieur de son site restent un paramètre essentiel de la gestion d’un accident, aussi minime soit-il. À l’évidence, les bonnes pratiques développées ces dernières années par des autorités locales et des industriels ont permis de voir émerger des protocoles d’information et de communication auprès des riverains pour éviter les rumeurs, la désinformation voire la panique collective. Par exemple, la CCI Seine Estuaire a développé « Allo industrie »[5], dispositif d’information du public par lequel les industriels de la région havraise s’engagent à communiquer lorsqu’un événement inhabituel se produit sur leur site.
Communication en cas d'incident © Sebatsien Gominet - IRMa
Ce qui était vrai dans le passé ne l’est plus aujourd’hui. Dans un contexte sociétal où le risque et la menace sont plus que jamais présents, la perception et la culture des risques par la population ont changé et les pratiques en termes d’information et de communication se doivent d’évoluer pour tenir compte des nouvelles technologies de communication disponibles.
Dans le cas d’incidents perceptibles de l’extérieur ou d’accident sans enjeux sanitaires, se pose la question pour les industriels et les autorités locales de relayer des informations vers les riverains au regard de leurs attentes légitimes dans un contexte difficile d’analyse de la situation accidentelle dans les premiers instants : que se passe-t-il au regard des premières données collectées par l’industriel ? Y a-t-il un danger ? Quelles sont les consignes de sécurité ? Est-il opportun de communiquer ? Ces questions sont légitimes.
En fiabilisant le processus d'information et d'alerte sur incident mineur, le processus utilisé en cas de déclenchement de PPI[6] sera d'autant plus fiable et d’autant plus connu par les populations dans une situation dégradée. L’Institut des Risques Majeurs (IRMa) a, depuis 2009, interpellé les différentes parties prenantes sur ces questions. Le rapport de l’administration sur l’accident de Lubrizol en 2013[7] est venu appuyer certaines propositions de l’IRMa :
[1] Voir sur ce sujet l’entretien de M. Yves Blein dans le numéro 38 de Risques Infos, p.12
[2] Voir sur ce sujet l’article de Vincent Perche dans le numéro 38 de Risques Infos, p.16
[3] Voir sur ce sujet l’article de Gilles Brocard dans le numéro 38 de Risques Infos, p. 19
[4] Union des Industries chimiques, 2016. Kit de communication à chaud : un incident survient sur site : comment communiquer ?, Union des Industries chimiques, 17 p.
[5] CCI Seine Estuaire. Allo Industries : dispositif d’information du public [En ligne] URL : https://www.allo-industrie.com/seine-estuaire/ [Consulté le 15/01/2019]Dispositif mis en place par les industriels de la CCI de l'estuaire de la Seine lorsqu’un évènement inhabituel se déroule sur leur site. Ils diffusent alors un message sur la plateforme Allo Industrie, sur le répondeur téléphonique, ou sur le compte Twitter dédié .
[6] Plan particulier d’intervention (PPI) est un dispositif local pour faire face aux risques technologiques liés à la présence d’un site industriel ou d’un barrage. Il fait partie du plan ORSEC.
[7] Philippe SAUZEY (IGA), Bernard MENORET (CGEDD), Laurent RAVERAT (CGEDD), et al., 2013. Organisation de l'alerte, de l'information et de la gestion de crise en cas d'accident industriel dans la perspective de la création d'une force d'intervention rapide [En ligne] IGA-CGEDD-CGEIET. 73 p. URL : https://www.interieur.gouv.fr/Publications/Rapports-de-l-IGA/Securite-civile/Organisation-de-l-alerte-de-l-information-et-de-la-gestion-de-crise-en-cas-d-accident-industriel-dans-la-perspective-de-la-creation-d-une-force-d-intervention-rapide [Consulté le 15/01/2019]
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