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Plan Particulier d'Intervention (PPI)

Pour des Plans particuliers d’intervention plus opérationnels et adaptables à la crise

Publié le 3 janvier 2024

Propos recueillis par Céline Lestievent

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Pour des Plans particuliers d’intervention plus opérationnels et adaptables à la crise
Le directeur des opérations s’appuie sur le Plan ORSEC devant lui pour gérer la crise lors d’un exercice PPI © SDMIS

Les plans ORSEC et PPI sont des documents de gestion de crise règlementairement révisés tous les 5 ans de manière générale et tous les 3 ans pour les sites SEVESO seuil haut. Le SDMIS du Rhône a saisi l’occasion d’une nouvelle révision pour rendre ces documents de gestion de crise plus opérationnels et adaptables à la crise en cours en facilitant son utilisation et son accessibilité par un travail sur le contenu aussi bien textuel que visuel. Entretien avec le commandant Grégory Toinon, du SDMIS du Rhône.

Commandant Grégory Toinon, SDMIS du Rhône

Le Plan particulier d’intervention s’inscrit dans le dispositif ORSEC. Pouvez-vous nous rappeler ce que sont ces dispositifs (PPI et ORSEC) et plus largement à quoi servent-ils ?

Le dispositif ORSEC (organisation de la réponse de la sécurité civile), issu de la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004. Il sert à planifier et coordonner la réponse de sécurité civile pour secourir les personnes, protéger les biens et l’environnement en situation d’urgence. Il s’agit d’une organisation interservices où le préfet est le directeur des opérations et coordonne l’ensemble des services nécessaires à la gestion de la crise. Il se décline aux niveaux : départemental, zonal et maritime.

Cela se matérialise par des documents qui se déclinent en dispositions générales et dispositions spécifiques.

Les dispositions générales s’appliquent pour toute crise et définissent l’organisation le commandement, les missions des différents acteurs, les moyens d’alerte des populations, les outils à disposition pour gérer la crise mais également la gestion de l’après crise.

Les dispositions spécifiques sont propres à des risques particuliers tels que le risque inondation ou le risque lié au transport de marchandises dangereuses mais également certains sites à risques comme les sites SEVESO, ou à enjeux spécifiques comme certains sites accueillant du public en masse (stade, aéroports, etc.).

La DGSCGC [1] a dressé une liste thématique des risques à couvrir et des sites nécessitant des plans ORSEC. Les plans particuliers d’intervention font partie des dispositions spécifiques. Ils sont définis par le Code de la sécurité intérieure qui précise les installations pour lesquelles un PPI doit être rédigé : site SEVESO seuil haut, installation nucléaire de base, certains laboratoires de type P3/P4, infrastructures de transports de matières dangereuses, barrages de plus de 20 m de hauteur, établissements souterrains comme les mines… Des exercices sont réglementairement prévus pour d’une part s’entraîner en amont d’une situation de crise et d’autre part améliorer les dispositifs par des révisions.

Dans le Rhône, certains PPI sont révisés par le SDMIS et d’autres par la préfecture du Rhône. Quels sont les PPI gérés par les pompiers et pourquoi ?

Les ORSEC PPI sont révisés par le SDMIS pour une raison historique. En 1987, nous avons été confrontés à un incendie majeur dans le port Edouard Herriot de Lyon lors duquel le Préfet de l’époque a constaté que le PPI n’était pas à jour. Suite à cet évènement, le directeur des sapeurs-pompiers a proposé au Préfet de prendre en charge la mise à jour de l’ensemble des PPI pour avoir des plans de secours à jour pour les sites industriels.

Tous les ORSEC PPI mais également les ORSEC nécessitant l’engagement important de moyens de sapeurs-pompiers sont traités par le SDMIS

Depuis, tous les ORSEC PPI mais également les ORSEC nécessitant l’engagement important de moyens de sapeurs-pompiers (plan nombreuses victimes, ORSEC de site, etc.) sont traités par le SDMIS, à travers une lettre de mission signée de la Préfète. A ce jour, environ 60% des ORSEC sont mis à jour par le SDMIS et 40% sont révisés par le service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC) de la préfecture du Rhône. L’enjeu pour le SDMIS est de rendre ces ORSEC PPI plus opérationnels grâce à la connaissance technique des risques industriels et des outils dont nous disposons. Ces révisions se font bien évidemment en interservices avant d’être validées par la préfecture. Nous restons bien entendu en contact permanent et régulier avec le SIDPC, dans le cadre du suivi de l’actualisation des plans.

Quel(s) constat(s) avez-vous fait sur vos documents de gestion de crise ( ORSEC et PPI) existants vous ayant motivés à décliner une nouvelle approche ?

Nous avons constaté que les plans ORSEC actuels étaient souvent trop littéraires avec une approche très règlementaire et trop peu opérationnelle. En résumé, ils ne donnaient pas envie d’être consultés et étaient par conséquent peu utilisés. En l’absence d’un document regroupant les dispositions générales, celles-ci étaient reprises dans chaque plan ORSEC apportant ainsi de la complexité dans l’utilisation de nos plans. La rédaction des dispositions générales ORSEC départementales en 2021 a ainsi été l’opportunité de revoir complètement la structure des plans ORSEC.

Sur la forme, nous sommes donc partis du contenu réglementaire d’un ORSEC PPI pour aborder chaque plan sous 3 angles : quels sont les risques ? quels sont les enjeux ? que mettons nous en place pour protéger les enjeux face aux risques en cas d’évènement ? Nous avons réfléchi à une structure de document qui permettait d’obtenir l’information pertinente sans perdre de temps à lire trop d’informations pour faciliter son utilisation en situation de crise où le temps est compté. En gardant les huit parties règlementaires, nous avons apporté plus de visuel via une couleur dédiée pour chaque partie, avec pour objectif de retrouver le même code couleur d’un plan à un autre. La présentation de l’information sous forme de cartographies (cartes des enjeux) ainsi que la rédaction de logigrammes visant à faciliter la prise de décisions ont permis de rendre plus opérationnels ces documents. En début de document, nous avons créé une fiche synthétique qui résume tout le document en 3 pages. Les données plus techniques pour les spécialistes ont été mises en annexes pour épurer le corps du document. Cette structure en 3 niveaux est commune à tous les ORSEC PPI.

Logigramme pour faciliter la prise de décision sur les périmètres PPI a déclenché selon la situation © SDMIS 69

Sur le fond, nous avons également revu l’approche sur la définition des périmètres PPI. Nous avons proposé de rendre les périmètres PPI plus adaptés au scénario d’accident en cours afin que des scénarios de risques plus faibles que le scénario majorant soient pris en compte pour mieux cibler le périmètre concerné et dimensionner au plus juste les moyens de secours engagés sur l’accident. Ainsi, nous proposons de 1 à 3 périmètres PPI par établissements selon les différents scénarios de risques. Un périmètre P0, correspondant aux limites du site est également proposé. Il permet à la Préfète de déclencher le PPI et de prendre la main, même si l’incident ne dépasse pas les limites du site industriel, dans le cas où l’incident soit visible à l’extérieur du site afin de gérer la crise en interservices notamment sur l’information aux populations et la communication aux médias.

Nous proposons de 1 à 3 périmètres PPI par établissements selon les différents scénarios de risques. Un périmètre P0, correspondant aux limites du site est également proposé.

Quelle a été la méthodologie pour réviser ces plans ?

Comme évoqué précédemment, la démarche de refonte des ORSEC PPI a débuté suite à la parution des dispositions générales ORSEC départementales en 2021. Un premier travail de fond a été réalisé en interne au SDMIS pour proposer une nouvelle structure des ORSEC. Puis un travail spécifique a été réalisé entre l’exploitant, la DREAL et le SDMIS pour définir les scénarios et périmètres PPI à partir des études de danger. Ensuite, plutôt que de faire réunions sur réunions, nous avons opté pour des consultations qui nous ont permis de définir les besoins en données de chaque acteur, de cerner les enjeux concernés à identifier dans le plan (habitations, ERP, réseaux, etc.) et de les cartographier. À partir de chaque périmètre PPI, la DDT a par la suite réalisé les plans de bouclage de la circulation routière et fluviale. Enfin nous avons défini l’emplacement des points tactiques : point de regroupement des moyens, poste médical avancé, poste de commandement opérationnel, etc.

Exemple de cartographie des enjeux potentiels situés à plus de 30 m de hauteur par rapport à l’altitude de l’établissement © SDMIS

Une première version du plan révisé était adressée à tous les acteurs pour relecture et avis. Cela fait un an et demi que nous sommes passés sur cette nouvelle version des PPI, nous amenant à mieux cerner les besoins d’informations de chaque partie. Ces révisions nous ont permis d’intégrer de nouvelles informations afin d’élargir la couverture des enjeux sur terre, dans l’eau et dans l’air. Les zones de captage en eau potable ont ainsi été identifiées à la demande de l’ARS afin de prendre en compte l’éventuel impact des eaux d’extinction. L’analyse de la topographie a été intégrée afin d’identifier au préalable les zones potentiellement impactées par les fumées d’incendie en hauteur et ainsi orienter au plus vite les équipes en charge des réseaux de mesure.

Comment les différents acteurs en interservices se sont appropriés ces nouveaux PPI ?

Pour réviser les PPI, nous travaillons en interservices avec le SIDPC de la préfecture qui est à la tête de tout le dispositif ORSEC, ainsi qu’avec les départements voisins, les communes, la métropole, les exploitants, les services publics comme la police, les gendarmes, le SAMU, l’ARS, les CRS, les gestionnaires de réseaux (autoroutes, fleuve, transports, électricité, …), la DREAL et la DDT. Tous ces acteurs ont participé à cette nouvelle trame de révision des PPI, sous la forme de la consultation.

Leurs retours ont été positifs, notamment sur le gain en lisibilité des documents, et sur l’adaptabilité à la situation grâce aux différents périmètres possibles, allant de P0 à P2 ou P3, en fonction de la nature de l’incident. Ceci leur permet désormais d’adapter les moyens à déployer pour faire face à la crise. L’approche a consisté à réaliser un document exploitable par n’importe quel service et pas seulement par les sapeurs-pompiers. Nous restons donc à l’écoute des services partenaires pour améliorer en permanence ces documents et afin qu’ils répondent aux besoins opérationnels de la gestion d’une crise en interservices.

Comment se passe la phase de validation de ces PPI ?

Une fois que les principales données sont mises à jour, la nouvelle version des PPI est soumise à consultation des différents acteurs. Chacun dispose d’environ 1 mois pour la relire et l’amender si besoin. Passée cette phase le document est mis à la signature de la Préfète.

Lorsque cela est possible, nous testons la version projet du PPI lors de l’exercice réglementaire. Cela permet de corriger les écarts entre le document et les besoins qui ont émergé lors de l’exercice.

Lorsque cela est possible, nous testons la version projet du PPI lors de l’exercice réglementaire. Cela permet de corriger les écarts entre le document et les besoins qui ont émergé lors de l’exercice. Les retours de l’exercice sont intégrés au document qui est ensuite soumis à validation. Par exemple, récemment, nous avons réalisé un exercice PPI à Villefranche s/ Saône et l’exploitant avait réalisé de nouveaux scénarios d’accidents qui faisaient apparaître un nouveau périmètre à prendre en compte. Le PPI qui avait été mis à jour un an plus tôt, va être corrigé et enrichi des nouvelles données suite à cet exercice, sans attendre le délai règlementaire de mis à jour de 3 ans.

Quelles sont les limites de ces documents ?

Les PPI peuvent vite devenir obsolètes car les enjeux évoluent en continu tout comme les scénarios d’accidents avec l’évolution des sites industriels et de leur environnement. La périodicité de mise à jour de 3 ans est là pour éviter ce genre d’écart. Toutefois, un contact étroit doit être maintenu avec les exploitants, la DREAL et les autres partenaires pour échanger en continu sur les évolutions et ainsi anticiper les mises à jour. L’objectif in fine est que notre Préfète dispose d’outils opérationnels à jour et adaptés aux risques à gérer. Une réunion DSPC/SIDPC/DREAL/DDT/SDMIS est instituée et programmée tous les 3 mois pour faciliter les échanges.

Comment ces nouveaux PPI s’articulent-ils avec le CoTRRIM ?

Il n’y a pas de lien entre ces deux documents. Le Contrat territorial de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces (CoTRRiM) identifie l’ensemble des risques et effets potentiels des menaces présentes sur le territoire et recense l’ensemble des capacités des acteurs des départements pour y répondre. Il vise à identifier les fragilités capacitaires, notamment des moyens spécialisés ou d’appui et à partager la charge financière.

Le plan ORSEC PPI est là pour définir l’organisation interservices en cas de crise. Il n’est pas question de réponse capacitaire mais d’organisation des services pour protéger et prendre en compte des enjeux face à des risques identifiés.

Prévoyez-vous d’élargir cette méthode aux autres dispositifs ORSEC (hors PPI) ?

Oui, tous les plans ORSEC sont restructurés avec cette nouvelle trame, notamment la même charte graphique pour se repérer facilement. Nous l’avons déjà appliquée sur les plans ORSEC Part-Dieu, Gerland, OL Vallée, ORSEC coupe du monde de rugby… Ce qui change notamment entre un ORSEC PPI et les autres plans ORSEC c’est que la zone de dangers n’est pas définie par les études de dangers mais par ce que jugent nécessaires les services de police.

Pour les plans ORSEC Nombreuses victimes (NOVI) et Tuerie de masse, mis à jour récemment, nous avons appliqué la nouvelle trame mais ces plans se rapprochent plus de la doctrine (dispositions générales) que du plan opérationnel (dispositions spécifiques) comme c’est le cas pour les PPI. Ils sont donc relativement différents dans la forme.

Différents plans ORSEC peuvent venir s’articuler lors d’une crise et c’est pour cela qu’une harmonisation graphique et structurelle des plans est pertinente et utile.

D’après vous, cette nouvelle approche pourrait-elle se décliner sur d’autres documents de gestion de crise obligatoire, comme le PCS [2]?

L’approche que nous avons eue pour cette nouvelle trame de révision était de faire des plans ORSEC PPI des documents utilisables facilement et dans lesquels on se repère rapidement. En ce sens, oui, tout document de gestion de crise devrait être révisé lorsque l’on constate qu’il n’est pas utilisé du fait d’un contenu ou d’une forme non adaptée au besoin. Notre travail a été facilité par l’utilisation d’outils cartographiques très complets qui nous ont permis de fournir des cartes synthétiques adaptées au besoin. La mise en œuvre d’une telle démarche sur d’autres plans nécessite donc également de disposer d’outils adaptés, ce qui n’est malheureusement pas le cas de toutes les structures. Toutefois, le meilleur moyen d’améliorer un plan de gestion de crise est de le tester à travers des exercices. Cela met en évidence les défauts du plan, les forces et faiblesses des acteurs ; cela donne aussi des repères à chacun afin de faciliter la gestion future d’une crise réelle.

 

 

[1] Direction générale de la Sécurité civile et de la Gestion de crise. Ministère de l’Intérieur.
[2] Plan communal de sauvegarde



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