Mémoire & retour d’expérience | Risque industriel
L’accident du 10 novembre 2022 a été le plus impactant des 30 dernières années pour l’agglomération grenobloise [1] et le seul événement qui a conduit, au cours de cette période, au déclenchement des sirènes PPI (Plan Particulier d’Intervention). Ces sirènes ayant été déclenchées tardivement, environ 45 minutes après les premières explosions et la propagation du nuage de fumée lié à l’incendie, il nous a semblé intéressant de connaître les réactions « instinctives » des populations riveraines de la plate-forme chimique juste après les explosions puis leurs comportements une fois l’alerte donnée par ces sirènes. Nous souhaitions notamment savoir si la consigne de sécurité « mettez-vous à l’abri dans le bâtiment le plus proche » avait été appliquée ou non.
Une enquête auprès des populations de Jarrie et Champ-sur-Drac a donc été réalisée au mois de janvier 2023, avec l’aide de deux étudiants en géographie de l’Université Grenoble Alpes. Le questionnaire de cette enquête a été construit de manière collégiale, en collaboration avec les différents acteurs concernés par l’accident (les mairies, la préfecture de l’Isère, l’industriel, la métropole de Grenoble, le SPPPY) et l’université de Grenoble. Il s’est inspiré en partie de celui réalisé par l’Université de Normandie après l’incendie à Rouen de Lubrizol le 26 septembre 2019 et qui est disponible ici.
Environ 78% des réponses ont été obtenues grâce à un questionnaire en ligne, partagés auprès des habitants par les communes de Jarrie et Champ-sur-Drac. La collecte sur le terrain, directement au contact des habitants, représente quant à elle 22% des réponses. La taille de l’échantillon final s’élève à 312 réponses.
Cette enquête n’est en aucun cas un retour d’expérience sur l’accident. Elle vise à rendre compte du point de vue des habitants sur celui-ci, à préciser la manière dont ils l’ont vécu, et à mettre en perspective ce point de vue avec leurs connaissances et leurs moyens d’information avant l’événement. Nous nous sommes aussi demandé quel impact pouvait avoir ce type d’accident sur la confiance envers les autorités publiques et l’industriel en termes de prévention et de gestion de crise. Le rapport d’enquête complet est à télécharger en fin d’article.
L’accident du 10 novembre 2022 a été largement perceptible par la population via deux événements : au moins 3 explosions ont été audibles (aux alentours de 8h35 – 8h40) depuis l’extérieur de la plateforme chimique et un grand panache de fumée a été dégagé par l’incendie jusqu’à une hauteur très importante. Ces deux phénomènes ont été perçus par une part significative de la population. 64% des personnes interrogées ont entendu les explosions et 67% ont vu la fumée s’échapper de la plateforme chimique. C’est bien plus que la part de la population qui a entendu la sirène PPI quarante minute après : 51% seulement.
Plus de 50% de la population a pris la décision d’elle-même « en mode réflexe » de se mettre à l’abri après avoir entendu les explosions et/ou vu le panache de fumée. On peut donc considérer que ces personnes connaissaient les consignes de sécurité. Très peu d’habitants ont eu des comportements déconseillés comme d’aller chercher leurs enfants à l’école ou de se rendre sur le lieu de l’accident (1% de la population présente chacun). En revanche, une part non négligeable des habitants n’a pas réagi et a continué ses activités normalement (30% après avoir entendu les explosions, 23% après avoir vu le nuage de fumée). Certaines réponses aux questions ouvertes du questionnaire en ligne éclairent en partie ces comportements :
« Pas d'information... pas de réaction… »
« N'ayant aucune info, pas entendu de sirène, ni de coup de tel de la Mairie, je n'ai pas pris au sérieux, je suis juste rentré dans mon logement »
Plusieurs personnes ont pris la fuite (réponse « autre ») sans attendre d’autres d’informations. Des commerçants ont notamment fermé boutique et sont partis dans des communes éloignées.
« J'ai quitté la ville avant que le nuage de fumé touche le haut de Jarrie »
« J'ai vite quitté mon domicile et je suis partie en voiture »
« J'ai pris la fuite en voiture »
L’une des raisons invoquées par ces personnes était que leur logement n’était pas correctement isolé [2] :
« Je suis parti de la commune n’ayant pas un logement isolé »
La population témoin de l’accident, et qui s’est en majorité mise l’abri immédiatement après (soit 51 %), s’est retrouvée, dans le flou et l’incertitude sur ce qui se passait pendant près de trois quart d’heure puisque la sirène PPI a été déclenchée par la préfecture à 9h19 soit près de 45 minutes après le début de l’incendie. Aucun autre moyen d’alerte ou d’information n’ayant été utilisé dans ce laps de temps (Ensemble Mobile d’Alerte, système d’appels en masse des mairies, radio locale comme France Bleu Isère, etc.), ce manque d’information a contribué à l’angoisse voire la panique pour certains et à la défiance envers les autorités pour d’autres :
« L’ignorance a durée trop longtemps »
« 45 min entre les explosions et la sirène PPI sans la moindre information des autorités ou de la mairie »
« Pas assez informé rapidement /pas informé sur la prise en charge de nos enfants à l’école »
« Je ne comprends pas pourquoi l’alarme n’a pas retentit immédiatement... Pour que les personnes puissent se mettre à l’abri pour ensuite constater la gravité des faits car elle a sonné 40 min plus tard. Si l’accident était grave... 40 min sans aucune consignes je trouve cela catastrophique pour un site classé à risque »
« On nous a expliqué que la sonnerie n’aurait pas dû retentir car l’explosion était interne à l’usine et non nocive. Or, le plan de protection est censé protéger en cas de RISQUE, c’est à dire avant que l’on sache s’il y a danger ou non, en PREVENTION »
Des habitants nous ont indiqué, sur le terrain et dans les questionnaires en ligne, qu’ils n’avaient pas compris pourquoi les systèmes téléphoniques d’appels en masse des mairies en cas d’alerte n’avaient pas fonctionné :
« A quoi sert d’être inscrit sur les listes d’appel si aucune information n’y est envoyée ! Grave ou pas il aurait été judicieux d’informer pour éviter les appels au service de secours, école, mairie, ou autre »
« J'avais compris que s'il y avait un risque la radio nous fournirait des consignes, un véhicule à haut-parleur passerait dans les rues et notre téléphone recevrait un SMS. Or il n'y a eu aucune utilisation de ces 3 moyens... »
« Aucune info reçue. Je croyais qu'on recevait un appel en cas de danger »
« Qu'elle soit grave ou non, une information sur les listes de diffusion des habitants enregistrés aurait dû être envoyée. Juste pour rassurer la population »
« J'attendais la confirmation par SMS je croyais que c'était prévu ainsi »
De la même manière, les critiques ont été assez nombreuses de la part des personnes interrogées sur le peu d’information donnée par la radio publique locale puisque c’est le média sous convention avec la préfecture de l’Isère qui permet de relayer les informations en cas de danger. Ce media est de plus indiqué dans tous les documents d’information préventive des populations sur les risques que les habitants ont eu en leur possession [3].
« La radio était complètement inefficace et n'a pas du tout apporté les éléments de réponses »
« Aucune consigne et des réponses imprécises de la part de divers contacts à la mairie et surtout des informations très incomplètes de la radio locale (Bleu Isère) »
« Temps long entre l’accident et la sirène PPI, aucune information sur Radio France Isère (indiquée sur les brochures) »
Finalement, 52% des personnes interrogées n’ont reçu aucune informations ou consignes de sécurité à appliquer.
Ce manque d’information global a conduit des habitants à appeler leur mairie pour connaître les consignes à suivre ce qui a malheureusement entrainer la saturation de leur standard téléphonique :
« Comme aucune consigne de déclencher l'opération de mise en confinement ne nous étaient parvenues, j'ai appelé la mairie pour savoir s'il fallait se confiner, après avoir entendu une sirène qui nous a semblé être juste pour les pompiers »
Il a aussi conduit à faire du réseau familial et amical le deuxième vecteur de l’alerte, après les réseaux sociaux (37% des personnes interrogées ont répondu « une personne m’a prévenu » à la question « par quel autre vecteur avez-vous été informé ? »). Très souvent, ces personnes travaillaient de près ou de loin dans l’usine et apportaient, en général, des nouvelles rassurantes. Cela nous a été indiqué régulièrement lors de l’enquête sur le terrain mais aussi plusieurs fois dans le questionnaire en ligne :
« Un employé d'Arkema m'a prévenue que ce n'était pas dangereux »
Malgré ce manque d’information, l’accident et les mesures prises par la suite (déclenchement de la sirène PPI et demande de mise à l’abri) ont été largement pris au sérieux par les habitants. 82% des personnes qui ont entendu la sirène PPI ont pensé qu’il y avait un danger ou une alerte industrielle. 2% seulement ont pensé que c’était un exercice ou une erreur.
De la même manière, seulement 6% des personnes interrogées « n’ont pas pris la situation au sérieux » après avoir reçu une information autre que la sirène PPI (tous médias confondus).
Cette prise au sérieux de la situation est aussi montrée par le fait que 52% des personnes interrogées ont « recherché des informations pour en savoir plus » ce qui confirme aussi que les informations qu’ils avaient reçues leur semblaient insuffisantes pour se faire une idée du danger et de la situation.
49% des personnes interrogées affirment avoir appliqué les consignes de sécurité à la suite de la sirène PPI, aux informations reçues ou aux informations qu’elles ont elles-mêmes rechercher.Ces consignes de sécurité ont été appliquées de manière disparate. Celle qui a été le plus respectée est de se mettre à l’abri avec 84% des 49% de la population qui a appliqué au moins une consigne. Les autres consignes ont été bien moins respectées : seulement 16% des personnes interrogées n’ont pas téléphoné, 33% ne sont pas allés chercher leurs enfants à l’école et 44% ont écouté la radio.
Si l’ensemble de l’événement a été pris au sérieux, il n’en demeure pas moins que de nombreux habitants ont trouvé les mesures prises par les autorités incohérentes puisqu’ils ont entendu la sirène PPI alors qu’ils savaient que l’incendie était maîtrisé et qu’il n’y avait plus de danger (information reçue par des membres de leur famille ou des amis travaillant sur la plate-forme chimique notamment). Cela a généré chez eux une forme d’incompréhension et de méfiance vis-à-vis de l’action des autorités :
« PPI déclenché alors que incendie maîtrisé »
L’information s'est très vite propagée, après l’accident, via les réseaux sociaux (Twitter et Facebook) qui ont diffusé des images de l’accident via des comptes de particuliers. Les réseaux sociaux ont été le premier média utilisé de manière pro active par les riverains pour se tenir informés de l’accident (46% de la population interrogée) même par les plus âgés : environ 33 % des 65 ans et plus les ont utilisés. Que ce soit sur le terrain ou dans les réponses aux questions ouvertes en ligne, leur intérêt a été souligné par de nombreux habitants :
« A Haute-Jarrie, nous n'avons entendu ni les sirènes ni instructions. La mairie était injoignable et pour une fois merci les réseaux sociaux pour avoir de l'info !!! »
Pour autant, les habitants n’y ont trouvé aucune information officielle sur les comptes des autorités publiques ou des médias sous convention avec la préfecture de l’Isère [4] avant 9h07 pour le compte Facebook de la mairie de Champ-sur-Drac, 9h24 pour la radio France Bleu Isère (twitter), 10h30 pour la préfecture de l’Isère (communiqué de fin d’alerte) et 12h19 pour la mairie de Jarrie (page Facebook)
Les réseaux sociaux ont été aussi le média le plus utilisé par les personnes qui ont tenté de se tenir au courant par la suite, en recherchant activement de l’information, notamment après le déclenchement de la sirène PPI (69% de la population interrogée).
Mais là encore, les habitants n’ont pu y trouver que peu d’informations sur les comptes officiels des autorités publiques, hormis sur le compte Facebook de la mairie de Champ-sur-Drac (dont le post initial a été très commenté) comme en témoigne l’échange ci-dessous survenu à 9h20 :
Médias le plus consulté, les réseaux sociaux ne sont pas forcément ceux qui diffusent le plus clairement les consignes de sécurité. Par exemple, la consigne de « se confiner » ou de « se mettre à l’abri » n’a été reçue que par 31% des personnes s’informant via les réseaux sociaux, contre 54% pour ceux qui ont appelé la mairie. Presque la moitié des personnes (46%) n’ont trouvé aucune consigne sur les réseaux sociaux alors qu’elles ne sont que 28% quand elles ont été informées par la mairie.
Seulement 10% des personnes interrogées n’ont recherché aucune information après avoir été tenus informées de l’accident (réponses à la question II-9 du questionnaire),ce qui montre le besoin important pour les habitants concernés de savoir ce qui se passe et les consignes à suivre.
C’est probablement ce manque d’information et le sentiment d’avoir été à l’abandon pendant 45 minutes qui a conduit la population à juger assez sévèrement les mesures prises lors de l’accident par les autorités publiques : 26% seulement des personnes interrogées les ont trouvées adaptées, contre 67% qui les ont trouvées moyennement adaptées ou pas du tout adaptées.
Il nous est impossible de savoir si cet événement a conduit à une baisse de confiance envers les autorités puisqu’aucune enquête n’a permis d’évaluer cette confiance avant l’accident mais force est de constater qu’elle n'était pas très importante au moment de l’enquête : seulement 27% des personnes interrogées ont un niveau de confiance élevé envers les autorités publiques pour gérer ce type d’accident, 40% ont un niveau de confiance moyen et 25% un niveau de confiance faible.
Il apparait que ce niveau de confiance est directement corrélé à la bonne application des consignes de sécurité : plus les personnes ont confiance envers les autorités publiques, plus elles appliquent les consignes de sécurité. Comme le montre le tableau ci-dessous, 63% des personnes qui ont appliqué les consignes de sécurité ont un niveau de confiance élevé envers les autorités publiques. Elles ne sont plus que 33% à les avoir appliquées lorsqu’elles ont un niveau de confiance faible.
La confiance élevée envers l’industriel est légèrement plus importante qu’envers les autorités publiques : 37% des personnes interrogées ont un niveau de confiance élevé envers l’industriel contre 27% pour les acteurs publics. Tous les propos existent sur les industriels parmi les personnes interrogées, comme le montre les réponses aux questions ouvertes de notre questionnaire. Pour celles et ceux qui ont un membre de leur famille ou un ami qui a travaillé ou qui travaille sur la plate-forme chimique, c’est plutôt un élément rassurant (à quelques exceptions près). On considère alors l’industriel comme un professionnel, responsable, qui a besoin de son outil de travail et ne fait donc pas n’importe quoi :
« Au fait des risques et entrainés pour réagir »
« C'est leur métier, ils vivent les incidents de l'intérieur, ils font le maximum pour éviter »
« Ils connaissent leur travail et les mesures à mettre en place, totale confiance »
« Je sais que la sécurité est respectée et il y a des pompiers expérimentés sur site »
« Du business est en jeu, ils feront le maximum pour bien gérer l'accident »
Parmi les personnes qui ont un niveau de confiance faible vis-à-vis de l’industriel, les raisons invoquées sont souvent, comme pour les acteurs publics, le manque d’information globale et le déclenchement tardif de la sirène PPI, mais aussi la vétusté des installations, la volonté de cacher des choses ou de faire des économies ainsi que le manque global de transparence (sur ce sujet, le thème des risques est vite relié au thème de la pollution) :
« Les systèmes de sécurité n'ont pas fonctionné. L’usine est vieillissante, à l’abandon. Pas d’investissements pour moderniser et sécuriser les installations »
« Peuvent avoir un intérêt à minimiser les risques »
« Ils n’ont pas prévenu l’école immédiatement comme ils auraient dû le faire et la sirène s’est enclenchée trop tard selon moi »
« Vétusté »
« La vie des humains passe après l'argent »
« Ils communiquent uniquement quand l'information leur a échappée »
Sur l’ensemble de la population interrogée, seulement 39% des répondants s’estiment être suffisamment informés sur les risques industriels qui les concernent. Près des deux tiers de la population ne se sentent que moyennement informés (29% des répondants) voire pas assez informés du tout (32% des répondants).
Le sentiment d’être suffisamment informés est très dépendant du nombre d’années depuis lequel les personnes interrogées habitent dans la commune : 71% des personnes qui résident à Jarrie ou à Champ-sur-Drac depuis moins d’un an ne s’estiment pas suffisamment informées sur les risques. Cela se réduit à 48% pour les personnes qui résident entre 1 et 4 ans et ce n’est plus que 24% pour les personnes qui y habitent depuis plus de 20 ans. Ces résultats doivent interroger les politiques publiques d’information préventive qui ne sont pas toutes constantes dans le temps (les campagnes régionales d’information ont lieu réglementairement tous les cinq ans et la diffusion des Documents réglementaires d’information sur les risques majeurs (DICRIM) est aussi faite de manière ponctuelle) et beaucoup de nouveaux résidents passent donc « au travers » de ces actions.
Le produit en jeu (chlorate de sodium) lors de l’accident du 10 novembre 2022 n’était pas dangereux (aucun risque de nuage toxique) selon l’industriel et c’est la raison pour laquelle l’industriel Arkema n’a pas déclenché de lui-même les sirènes PPI juste après l’accident (il en a la possibilité pour le compte du Préfet par convention formelle établie avec la préfecture de l’Isère conformément à la réglementation, et il l’aurait immédiatement fait en cas de fuite de chlore par exemple [5]). Mais la population ne le savait pas, car elle n’en a pas été immédiatement informée le jour même, et peut-être aussi parce que les actions d’information préventive, réalisées par les autorités publiques en amont, insistent sur l’application des consignes de sécurité mais jamais sur la connaissance des différents produits manipulés par les industriels. Sans doute en partie par peur de nous affoler, ou peut-être aussi en pensant bien faire en limitant les informations au stricte nécessaire pour en faciliter la compréhension, on ne nous donne pas toujours l’ensemble des informations qui nous permettraient d’être véritablement en prise avec la réalité et la complexité des risques qui nous entourent.
Interrogé par le Dauphiné Libéré lors de la présentation par la Ministre de la transition écologique de son plan d’action « Tous résilients face aux risques » le 18 octobre 2021 devant l’usine Arkema de Jarrie (Isère), Frédéric Courant [6] ne disait pas autre chose : « c’est bien beau de dire : faut faire ceci, faut faire cela dans une situation, mais si on ne vous dit pas pourquoi, vous ne comprenez plus. Il faut prendre le temps de comprendre, il faut ancrer les choses et puis il faut raconter. Parce que c’est plus que des réflexes qu’il faut avoir, c’est connaître son environnement » (source : https://www.ledauphine.com/environnement/2021/10/19/isere-sur-la-plateforme-chimique-de-jarrie-arkema-une-simulation-d-incident-sous-les-yeux-d-une-ministre).
Les actions d’information préventive se limitent malheureusement trop souvent à « quand la sirène sonne, mettez-vous à l’abri ». Mais voilà la sirène ne sonne pas, ou trop tard. Et on se demande alors quoi faire quand on vient d’entendre des explosions et de voir un panache de fumée monter haut dans le ciel.
Cet accident doit nous interroger sur les informations à communiquer aux habitants lorsque les produits en jeu ne sont pas toxiques mais que l’accident est particulièrement perceptible depuis l’extérieur de la plate-forme chimique. Ne rien dire, ou pas assez, ou trop tard, lors de ce type d’accident a forcément un impact négatif sur la confiance de la population envers les autorités et l’industriel. Et donc, un impact négatif sur la prévention en elle-même, puisque l’enquête a démontré que plus la confiance dans les autorités était forte, plus les consignes de sécurité étaient appliquées.
L’information et la communication de crise pour des événements à cinétique rapide peuvent et doivent être améliorées dès les premiers instants de l’accident. Pour cela, peut-être serait-il nécessaire d’envisager de dépasser l'utilisation des outils comme FR-Alert (ou les systèmes d’appel en masse des mairies) pour alerter d'un danger grave en cours ou imminent pour en faire des outils de mise en vigilance et d’avertissement lorsqu’une situation accidentelle est perceptible de l’extérieur d’un établissement industriel et qu’elle peut légitimement entraîner des questionnements de la population, de la rumeur et de la désinformation.
Notes :
[1] Les dégâts ont été de plusieurs millions d’euros pour l’industriel Arkema, certains de ses salariés ont été particulièrement choqués par les explosions, des routes ont été coupées, des écoles et des collèges ont été confinés, des habitants ont eu très peur, etc. Suivant l'échelle européenne qui fixe la cotation des accidents industriels, c'est même un accident majeur, uniquement pour le critère du montant des dommages matériels qui est supérieur à 2 millions d'euros. La qualification d'accident majeur déclenche l'intervention du BEA-RI (bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels) et la notification à la commission européenne (source : DREAL Auvergne-Rhône-Alpes).
[2] Voir à ce sujet le rapport d’enquête page 25
[3] Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM) et documents de la campagne régionale d’information « les bons réflexes » notamment.
[4] en application de l'arrêté du 2 février 2007 modifié pris pour l’application des articles R. 732-23, R. 732-25 et R. 732-28 du code de la sécurité intérieure
[5] Entretien avec Matthieu Varin, chef de service HSEI à Arkema Jarrie et DOI le jour de l’accident, réalisé le 3 janvier 2023
[6] qui a présidé la « Mission sur la transparence, l’information et la participation de tous à la gestion des risques majeurs, technologiques ou naturels » dont le rapport a été remis en juin 2021 à la ministre de la transition écologique d’alors, Barbara Pompili
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