| Politiques publiques | Risque industriel
Question 1 : Dans les bâtiments de l’usine Lubrizol et l’entrepôt de Normandie Logistique, le réseau fixe d'extinction était-il un réel réseau sprinkler (avec ampoules sur chaque tête) ou bien un réseau de refroidissement global (qui a dû consommer énormément d'eau) ?
Romain CAMPILLO (DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) : D’après les éléments en possession de la DREAL Auvergne Rhône-Alpes, le réseau de sprinklage présent dans le bâtiment A5 de Lubrizol était un réseau sprinklage classique. Il est à préciser que la réserve d’eau de Lubrizol était dimensionnée à 2 000 m³ et que cette dernière s’est trouvée épuisée au bout de 1h30, du fait des moyens mis en œuvre par le site et les pompiers (moyens mobiles, rideaux d’eau de protection des unités et du personnel pour le déplacement d’un stockage, rideau d’eau bâtiment A4, déclenchement automatique sprinkler A5). Pour mémoire, cet incendie a nécessité l’emploi de plus de 20 000 m³ d’eau et un débit maximal d’extinction de 2 160 m³/h. Le site ne disposait quant à lui en interne que de 2 000 m³ et d’un débit d’extinction de 1 200 m³/h.
Question 2 : Des besoins importants en eau d'extinction sur Lubrizol, y a-t-il des modifications attendues sur la réglementation des ICPE dans ce domaine ?
Question 3 : Sur l'inventaire des produits : la réglementation ICPE des entrepôts logistiques évolue depuis 2017 et permet la construction d'entrepôts de plus en plus grands (notamment pour le e-commerce), la taille de ces entrepôts provoque une impossibilité opérationnelle (Art 1 arrêté 11/04/2017) pour les sapeurs-pompiers. Le retour d'expérience LUBRIZOL fera-t-il évoluer la réglementation (recoupement / augmentation besoin en eau, etc.) pour limiter la propagation des feux et donc la production de fumées ?
Question 4 : Côté sapeur-pompier : réponse SDIS 76 : les entrepôts de plus en plus grands peuvent nous mettre dans une impossibilité opérationnelle d'éteindre un sinistre. "Laisser brûler" est le parti pris de certains pétitionnaires et des assureurs... Mais laisser brûler, c'est laisser aussi les fumées s'échapper pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. La population avoisinante sera-t-elle prête à accepter ce parti pris ? L'inquiétude relevant des fumées concerne la santé publique et l'ordre public.
Romain CAMPILLO (DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) : Les textes réglementaires applicables aux liquides inflammables et aux entrepôts n’ont cessé d’évoluer depuis une dizaine d’années. On peut citer en effet l’arrêté ministériel du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés de liquides inflammables exploités au sein d'une ICPE soumise à autorisation et l’arrêté du 17 avril 2017 relatif aux entrepôts. Ces arrêtés imposent un plan de défense incendie et un dimensionnement des besoins en eaux.
Suite à l’accident de Lubrizol, les textes mentionnés ci-avant ont été modifiés en vue de renforcer notamment la défense incendie. On peut citer les mesures suivantes :
1. Volet liquides inflammables – arrêté 3/10/2010
- Renforcement des prescriptions pour les stockages extérieurs : moyens de détection incendie et conditions de stockages
- Renforcement des prescriptions pour les stockages en bâtiments de récipients mobiles : extinction automatique
- Pour les sites à autorisation Liquides inflammables : renforcement des moyens de lutte contre l’incendie, l’exploitant devant disposer de ressources et réserve en eau et émulseurs supplémentaires équivalent à 20 % de ces moyens, d’ici janvier 2023
2. Volet Entrepôt – arrêté du 11/04/2017
- Extension de l’obligation de plan de défense incendie à tous les régimes ICPE (E et D)
Concernant l’augmentation des surfaces et des volumes des entrepôts, effectivement le seuil d’autorisation au titre de la rubrique 1510 (entrepôts) a augmenté, passant de 300 000 à 900 000 m³. Parallèlement à cette augmentation, les prescriptions en matière de défense incendie et de prévention du risque incendie ont été globalement renforcées (îlotage, taille maximale de cellule de stockage, séparation coupe-feu entre cellules…).
Les fumées générées par un incendie font également l’objet de nouvelles prescriptions. En effet, pour les établissements Seveso, comme pour les entrepôts, les exploitants devront définir le type de substances émises lors de tels événements et devront définir des moyens de prélèvements dans l’environnement de ces substances. Ces mesures et moyens seront intégrés dans les POI du site.
Question 5 : Bonjour, merci pour l'organisation de cet évènement. L'enquête (toujours en cours) de l'accident de Lubrizol a-t-elle totalement écarté la piste d'un acte malveillant ? Actuellement, seuls des scénarios implicites et identifiés sont mentionnés dans les études. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait désormais réfléchir à un moyen de mieux prendre en compte le caractère "intentionnel" dans les Études De Dangers (sur lesquelles s'appuient les PPRT) ?
Romain CAMPILLO (DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) : À cette heure, nous ne disposons pas des conclusions de l’enquête judiciaire à laquelle il revient de déterminer les responsabilités de l’accident. Cela dit, rien n’indique un acte de malveillance dans les éléments relevés par les rapports d’enquête ministériels et parlementaires.
Les études de dangers se basent notamment sur des phénomènes dangereux (fuite d’une cuve, incendie d’un bâtiment…). La prise en compte d’actes intentionnels, tels que des actes de malveillance, dans les études de dangers n’impactent que la probabilité d’occurrence des phénomènes étudiés. Aussi ce type d’événements initiateurs ne sont pas pris en compte pour caractériser l’acceptation du risque d’un site industriel ni pour définir des actions en matière d’urbanisme. Ce type d’événement initiateur est par contre pris en compte pour la caractérisation des potentiels de dangers d’un site qui sert de base à la définition des périmètres PPI. En effet :
- il paraît difficile de quantifier la probabilité d’un risque d’acte malveillant,
- les mesures de prévention ne sont pas de même nature pour les actes malveillants (surveillance, restrictions d’accès…) que pour les autres risques (maintenance, contrôles périodiques des équipements…). Il est à préciser que des moyens de limitation d’accès au site et aux installations industrielles sont imposés dans la plupart des arrêtés préfectoraux d’autorisation ICPE.
Question 6 : Bonjour, le préfet est-il en mesure de donner un accord (sur une augmentation de capacité par exemple) sans consultation préalable et ou avis technique de la DREAL ?
Question 7 : Est-ce que Lubrizol a eu un effet sur l’examen des études de dangers qui n’était plus systématiquement réalisé par les DREAL ces dernières années (s’agissant notamment des révisions quinquennales des Seveso) ?
Question 8 : La réglementation sur les entrepôts de stockage a été simplifiée ces dernières années. Les seuils de déclaration/enregistrement/déclaration/autorisation ont été augmentés, ce qui engendre des projets d'entrepôts de plus en plus gros avec des contraintes ICPE en moyenne moins fortes. Ne faudrait-il pas revenir en arrière sur cette évolution ?
Romain CAMPILLO (DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) : En regard des seuils d’autorisation, d’enregistrement et de déclaration ICPE au titre de la rubrique 1510 (entrepôt de matières combustibles), la création d’un entrepôt est soumise soit à enquête publique (autorisation – volume > 900 000 m³) soit à consultation du public (enregistrement – 50 000 à 900 000 m³).
Lorsque l’exploitant modifie ses installations (enregistrement / autorisation) ce dernier adresse un porter à connaissance au Préfet et à l’inspection des installations classées qui statue sur le caractère substantiel ou non de ces modifications. L’inspection est toujours consultée pour ce type de modifications.
La révision quinquennale des études de dangers pour les établissements Seveso Seuil Haut a fait l’objet d’un avis ministériel du 8 février 2017. Le réexamen quinquennal des études de dangers se base maintenant sur une notice de réexamen et la révision de l’étude de dangers n’est plus obligatoire (elle dépend des conclusions de la notice de réexamen). L’examen et l’instruction de ces documents par l’inspection ont fait l’objet d’un guide national en mars 2019. L’accident de Lubrizol n’a pas modifié la doctrine récente (2017 et 2019) en matière d’examen des réexamens quinquennaux des études de dangers, même s’il est évident que des points particuliers feront à présent l’objet d’une attention particulière : rétention, défense incendie, stockages extérieurs … De plus, il apparaît que la présence de l’inspection sur le terrain a été renforcée et des actions d’inspection ciblées sur la base des études de dangers sont à présent menées au sein des sites à forts enjeux.
Question 9 : Au sujet de l'information et de l'acculturation de la société civile on pourrait généraliser le système Allo-industrie et informer la population. Comme cela est fait actuellement dans le projet REPONSES du SPPPI PACA dont je suis membre.
Romain CAMPILLO (DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) : Le projet Réponses a été mis en œuvre pour améliorer l’environnement et la santé autour de l’Étang de Berre. L’objectif est d’apporter des réponses concrètes aux attentes des populations sur les questions santé-environnement, avec des actions à mettre en place et un accès à l’information centralisée, indépendante, accessible et fiable.
Allo Industrie semble avoir été créé dans un autre esprit. C’est un dispositif d’information pour le public pour savoir ce qui se passe sur les sites industriels à proximité des riverains. Les deux initiatives sont intéressantes mais très différentes. Des réflexions sont en cours pour améliorer l’information des populations résidant à proximité de sites industriels et il y a effectivement de belles initiatives sur les territoires (à l’initiative de communes, d’industriels, d’associations…). Reste à les capitaliser le mieux possible et à les adapter au contexte local.
Ou inscrivez vous
x Annuler