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Vigilance et alerte

CREWS : Alerter précocement les populations face aux risques d'évènements climatiques extrêmes et de catastrophes

Publié le 24 mai 2022

Par Stéphane Crouzat & Paul Schilling

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CREWS : Alerter précocement les populations face aux risques d'évènements climatiques extrêmes et de catastrophes
Logo de l'Initiative CREWS © Secrétariat CREWS

Les pays qui sont le plus exposés aux aléas climatiques sont souvent ceux qui ont le moins de capacités à y faire face et le moins accès aux technologies de prévention des risques, tels que les systèmes d'alerte précoce. C’est précisément dans l’objectif d’améliorer la préparation des États vulnérables aux catastrophes que la France a proposé lors de la COP21, en 2015, la création de l’initiative CREWS – Climate Risk and Early Warning Systems (Risque climatique et systèmes d’alerte précoce)

Les rapports successifs du GIEC sont formels : l’intensité et la fréquence des catastrophes naturelles augmentent, en lien direct avec le changement climatique. Associés à une exposition accrue des populations et des biens, liée notamment à l’étalement géographique de l’occupation et des activités humaines, les évènements climatiques extrêmes engendrent des dégâts de plus en plus importants pour les sociétés et les économies. En cinquante ans, le risque de catastrophe a ainsi été multiplié par cinq [1]. On a recensé, rien qu’entre 2000 et 2019, 7 348 catastrophes naturelles majeures, touchant plus de quatre milliards de personnes et causant près de 3 000 milliards de dollars de pertes économiques. La grande majorité de ces catastrophes avait pour origine un évènement climatique [2].

Environ neuf décès sur dix liés aux catastrophes naturelles surviennent dans les États en développement

Les chiffres sont éloquents : depuis 1970, l’Afrique a enregistré 15 % des catastrophes, et 35 % des morts. Environ neuf décès sur dix liés aux catastrophes naturelles surviennent dans les États en développement. La situation est d’autant plus critique que les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement, parmi les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique, sont aussi ceux qui y contribuent le moins.

La communauté internationale s’engage en faveur de la préparation des États vulnérables aux catastrophes

Face à ce constat, et conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris et du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, la communauté internationale doit renforcer son action en faveur de l'adaptation et de la résilience au changement climatique des États les plus vulnérables. Les engagements actuels ne sont pas à l’échelle : une personne sur trois par exemple n’est toujours pas couverte de manière adéquate par des systèmes d’alerte précoce [3]. Dans les pays pauvres et vulnérables, les données météorologiques qui permettraient d’anticiper ces phénomènes et de prévenir les populations sont souvent peu fiables, voire indisponibles.

CREWS : Renforcer la gouvernance des risques dans les États et territoires bénéficiaires, les capacités de collecte et d’analyse de données climatiques par les services hydrométéorologiques, ou encore les systèmes d’alerte aux populations basés sur ces données.

C’est précisément dans l’objectif d’améliorer la préparation des États vulnérables aux catastrophes que la France a proposé lors de la COP21, en 2015, la création de l’initiative CREWS – Climate Risk and Early Warning Systems. Ce mécanisme multi-bailleurs soutient le développement de systèmes d’alerte précoce dans les territoires les plus vulnérables : pays les moins avancés et petits États insulaires en développement. Les projets soutenus par CREWS visent notamment à renforcer la gouvernance des risques dans les États et territoires bénéficiaires, les capacités de collecte et d’analyse de données climatiques par les services hydrométéorologiques, ou encore les systèmes d’alerte aux populations basés sur ces données. L’initiative CREWS contribue ainsi à atteindre « l’objectif G » du Cadre de Sendai 2015-2030, à savoir l’augmentation substantielle de la disponibilité et de l’accessibilité des systèmes d’alerte précoce.

Une personne sur trois n’est toujours pas couverte de manière adéquate par des systèmes d’alerte précoce

Pour chaque financement, les opérations sont soutenues par trois partenaires dotés d’une solide expertise : la Banque mondiale au travers de la facilité globale pour la réduction et recouvrement du risque de catastrophe (GFDRR), l’Organisation météorologique mondiale, et le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNDRR). Grâce à ce fonctionnement en réseau, CREWS peut s’appuyer sur l’expertise déjà disponible sur le terrain, et concevoir ses projets directement avec les futurs bénéficiaires. Ce fonctionnement vertueux permet d’obtenir des résultats concrets, pour un engagement financier raisonnable.


Présentation des quatre éléments, indispensables aux systèmes d’alerte précoce centrés sur les personnes, renforcés par les projets CREWS
© Secrétariat CREWS/Organisation météorologique mondiale

Depuis le lancement de l’initiative, ce sont ainsi quatorze projets qui ont pu être lancés, pour près de 70 millions US$ mobilisés par les États contributeurs. On compte plus de cinquante États bénéficiaires, en particulier grâce aux quatre projets régionaux lancés en Afrique de l’Ouest, aux Caraïbes, dans l’océan Pacifique et dans le sud-ouest de l’océan Indien. CREWS repose sur un fonds fiduciaire hébergé à la Banque mondiale, qui reçoit les contributions financières accordées par huit États à date (France, Allemagne, Suisse, Luxembourg, Pays-Bas, Finlande, Australie, Royaume-Uni), avec une contribution annexe du Canada et, bientôt, de la Commission européenne.

Des résultats de terrain bien présents

Parmi les exemples de réussite, on peut citer en particulier le projet CREWS au Burkina Faso. Il s’agit du tout premier projet lancé par CREWS, dès 2017, qui se concentre sur les alertes aux agriculteurs relatives aux prévisions météorologiques saisonnières comme aux évènements plus soudains. Concrètement, ces prévisions associées à des formations permettent aux agriculteurs de choisir les variétés de graines les plus adaptées aux conditions météorologiques anticipées. Le secteur agricole, extrêmement important en Afrique, est en effet l’un des premiers à subir les conséquences du changement climatique. Il est donc fondamental de mettre en place des systèmes d’alerte précoce, associés à des actions de sensibilisation et de formation des populations, qui permettront concrètement de réduire les dégâts subis par les systèmes alimentaires.


Membres de la coopérative maraîchère de Boulbi, dans le village de Kieryaghin, Burkina Faso
© Dominic Chavez/World Bank

Un autre exemple de projet prometteur est celui qui vient d’être lancé dans le sud-ouest de l’océan Indien, couvrant les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles et le Mozambique. Ce projet va se concentrer sur la mise en relation des différents systèmes d’alerte déjà présents dans la zone, et sur la coopération en matière de planification et d’intervention d’urgence. Bien qu’à une étape encore préliminaire d’analyse des lacunes dans les législations et les systèmes d’alerte précoce locaux, le projet a déjà permis de mobiliser d’importants financements complémentaires, avec un effet-levier x20 par rapport aux fonds engagés par CREWS. Le projet permet ainsi d’associer, au bénéfice des populations locales, à la fois d’importants fonds multilatéraux comme le Fonds vert pour le climat, et des agences de coopération telles que l’Agence française de développement.

Forte de ces succès de terrain, l’initiative CREWS continue de se développer et de multiplier les partenariats. Les nouveaux engagements financiers annoncés par les États contributeurs lors de la COP26 à Glasgow, devraient ainsi permettre à CREWS d’atteindre en 2022 l’objectif, fixé lors de sa création en 2015, de mobiliser 100 millions US$ en faveur des systèmes d’alerte précoce. Des discussions ont été engagées avec les initiatives REAP – Risk-informed Early Action Partnership, un réseau de nombreuses organisations intervenant en matière d’action précoce lorsqu’une catastrophe est annoncée, et InsuResilience, qui regroupe les principaux acteurs de la finance et de l’assurance des risques climatiques. Ces échanges visent à approfondir la collaboration entre CREWS et ces deux initiatives, et à promouvoir notamment les approches inclusives centrées sur les personnes, toujours dans un souci d’efficacité.

L’initiative innove également sur le plan technique, avec la création annoncée au dernier comité de pilotage de CREWS d’un nouvel outil financier, la Fenêtre de financement accéléré. Cet instrument, particulièrement réactif, devra permettre de mobiliser dans un délai d’un mois des montants limités (maximum 250 000 US$) afin de financer des actions complémentaires aux projets existants.

En résumé, nous avons ici un bon exemple de ce que les États et leurs partenaires peuvent faire, sur le terrain et avec des résultats concrets, en faveur de la réduction des risques de catastrophe dans les pays les plus vulnérables. Ce type d’action contribue d’ailleurs à répondre au défi de l’adaptation au changement climatique, sur lequel les attentes se sont fortement exprimées à Glasgow et ont d’ailleurs mené à des engagements ambitieux de la part des pays développés. La France est ainsi pleinement déterminée à y prendre sa part, en poursuivant les efforts engagés et en continuant à soutenir des initiatives efficaces telles que CREWS.

 

[1] WMO, Atlas of Mortality and Economic Losses from Weather, Climate and Water Extremes (1970–2019), 2021.

[2] UNDRR, The human cost of disasters: an overview of the last 20 years (2000-2019), 2020.

[3] WMO, Rapport sur la situation des services climatologiques en 2020, 2020.

/// Cet article Web est un complément de la revue Risques Infos, dont le 1er N° hors-série est consacré à l'Alerte des populations, avec un zoom sur le futur dispositif national d'alerte multi-canal FR-Alert

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