Mémoire & retour d’expérience | Crue / Inondation
Changement climatique | Vigilance et alerte
Du 12 au 14 novembre, un nouveau flux perturbé apporte un important cumul de précipitations sur le relief de Haute-Savoie ainsi que sur une partie du relief de la Savoie (Beaufortain, Lauzière, Haute-Tarentaise). Les valeurs sont loin d’être exceptionnelles (100 à 150 mm en 72 h) mais arrivent après un mois de précipitations soutenues ayant apporté dans ces secteurs de l’ordre de trois fois la normale.
Mais deux paramètres majeurs sont aussi à prendre en compte : l’altitude de la limite pluie-neige et l’épaisseur du manteau neigeux en place. En effet, pour ce qui concerne l’hydrologie ou l’impact sur les sols, il faut s’intéresser à l’eau qui coule au sol, qui est perturbée par la présence du manteau neigeux :
On comprend donc que la situation hydrologique des cours d’eau provenant de zones montagneuses est complexe à anticiper en période hivernale, d’autant plus que la limite pluie-neige fluctue, que l’épaisseur du manteau neigeux ne varie pas qu’en fonction de l’altitude mais aussi des versants voire des zones du bassin-versant, notamment pour les grands bassins versants couvrant des secteurs aux caractéristiques climatiques différentes.
L’utilisation de la modélisation est une aide précieuse à cet effet. Météo-France dispose de plusieurs modèles de ce type : le modèle de sol SIM, qui couvre toute la France mais n’est pas adapté à la montagne (modèle à maille de 8 km) et le modèle S2M, prévu pour la modélisation du manteau neigeux en montagne.
Le modèle S2M calcule un manteau neigeux « moyen » à l’échelle d’un massif montagneux (au sens de la prévision du risque d’avalanche : dans les Alpes du Chablais, au nord, jusqu’au Mercantour, au sud), tous les 300 m d’altitude, en 8 orientations différentes et en 2 angles de pentes (20° et 40°), avec en plus une simulation sur sol horizontal. Le modèle simule ces manteaux neigeux en mode analyse grâce aux observations de terrain et aussi en mode prévision, basée sur le modèle météorologique Arpège. La simulation est faite couche par couche.
Malgré les défauts du modèle S2M, notamment l’absence de la variabilité naturelle d’épaisseur de neige sur le terrain sur de courtes distances à cause du vent, il permet d’estimer la quantité d’eau qui sort du manteau neigeux grâce au paramètre « écoulement à la base » ou à partir de la diminution du paramètre « équivalent en eau du manteau neigeux ».
Dans les tableaux, « l’écoulement » est l’eau qui sort à la base du manteau neigeux en 48 h d’après le modèle. Aux altitudes les plus hautes, soit il ne tombe que de la neige, soit toute l’eau liquide (pluie et fonte) est absorbée, le manteau neigeux « fait l’éponge ». Exception dans les Bauges où les plus hauts sommets ne sont pas assez élevés.
La situation est un peu différente d’un massif à l’autre et surtout entre les massifs internes de la Savoie (ceux du sud-est) et ceux de Haute-Savoie ainsi que les Bauges et le Beaufortain (ceux du nord-ouest). Si en 48 h les précipitations à basse altitude sont fortes mais loin d’être exceptionnelles, l’eau de fonte de la neige a été conséquente à moyenne altitude :
La fonte de la neige a donc joué un rôle crucial dans les crues du 14 novembre 2023, mais principalement à moyenne altitude. L’impact sur les cours d’eau a donc été étroitement lié aux altitudes des bassins versants.
/// Article paru dans la revue "Risques Infos" n°47, septembre 2024, à consulter ici ou là :
Ou inscrivez vous
x Annuler