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Précipitations et fonte de la neige, l'épisode du 14 novembre 2023

Publié le 5 décembre 2024

Par Gilles Brunot

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Précipitations et fonte de la neige, l'épisode du 14 novembre 2023

Alors que début octobre 2023 les sols sont très secs sur les Alpes du nord, une succession de perturbations à partir du milieu du mois vient changer drastiquement cette situation. Bien que les précipitations d’octobre ne débutent pratiquement qu’en milieu de mois, le cumul mensuel est très excédentaire. Cette situation perdure jusqu’à la mi-décembre, soit au total deux mois. Fin octobre, les sols sont déjà saturés presque partout, particulièrement sur la Haute-Savoie. Cela ne s’arrange pas début novembre avec le passage de plusieurs perturbations assez actives mais avec une limite pluie-neige parfois assez basse, donc avec peu de ruissellement.

Du 12 au 14 novembre, un nouveau flux perturbé apporte un important cumul de précipitations sur le relief de Haute-Savoie ainsi que sur une partie du relief de la Savoie (Beaufortain, Lauzière, Haute-Tarentaise). Les valeurs sont loin d’être exceptionnelles (100 à 150 mm en 72 h) mais arrivent après un mois de précipitations soutenues ayant apporté dans ces secteurs de l’ordre de trois fois la normale.

cumul précipitations 5 jours
Cumul des précipitations sur 5 jours © Météo France

 

cumul précipitations 3 jours
Cumul des précipitations sur 3 jours © Météo France

 

cumul précipitations 2 jours
Cumul des précipitations sur 2 jours © Météo France

 

Mais deux paramètres majeurs sont aussi à prendre en compte : l’altitude de la limite pluie-neige et l’épaisseur du manteau neigeux en place. En effet, pour ce qui concerne l’hydrologie ou l’impact sur les sols, il faut s’intéresser à l’eau qui coule au sol, qui est perturbée par la présence du manteau neigeux :

  • Aux altitudes basses, là où il n’y a pas de neige au sol et où les précipitations sont pluvieuses, la situation est simple, l’eau de ruissellement étant égale à l’eau de pluie (une fois le sol saturé).
  • Aux altitudes où il pleut sur un manteau neigeux de faible épaisseur, la pluie traverse rapidement la couche de neige et l’eau de fonte accentue l’eau de ruissellement.
  • Aux altitudes où il pleut sur un manteau neigeux modérément épais et partiellement ou totalement sec (neige non humide), dans un premier temps le manteau neigeux s’humidifie, il absorbe l’eau de pluie et ne rejette pas d’eau, il « fait l’éponge ». Puis, une fois saturé par la pluie et la fonte, il rejette de l’eau. En fonction de la quantité de pluie, de l’ampleur de la fonte, de l’épaisseur du manteau neigeux, de sa capacité à absorber de l’eau (état de la neige avant la pluie), le bilan de l’eau d’écoulement peut être soit une augmentation par rapport au taux de précipitations, ou négatif si le manteau neigeux a absorbé plus d’eau qu’il n’en a rejeté. Même en cas de bilan positif, il y a un effet retard par rapport à la période pluvieuse, le temps que l’eau percole, sature et ressorte.
  • Aux altitudes où il ne tombe que de la neige, il n’y a pas ou peu d’écoulement.

On comprend donc que la situation hydrologique des cours d’eau provenant de zones montagneuses est complexe à anticiper en période hivernale, d’autant plus que la limite pluie-neige fluctue, que l’épaisseur du manteau neigeux ne varie pas qu’en fonction de l’altitude mais aussi des versants voire des zones du bassin-versant, notamment pour les grands bassins versants couvrant des secteurs aux caractéristiques climatiques différentes.

L’utilisation de la modélisation est une aide précieuse à cet effet. Météo-France dispose de plusieurs modèles de ce type : le modèle de sol SIM, qui couvre toute la France mais n’est pas adapté à la montagne (modèle à maille de 8 km) et le modèle S2M, prévu pour la modélisation du manteau neigeux en montagne.

Le modèle S2M calcule un manteau neigeux « moyen » à l’échelle d’un massif montagneux (au sens de la prévision du risque d’avalanche : dans les Alpes du Chablais, au nord, jusqu’au Mercantour, au sud), tous les 300 m d’altitude, en 8 orientations différentes et en 2 angles de pentes (20° et 40°), avec en plus une simulation sur sol horizontal. Le modèle simule ces manteaux neigeux en mode analyse grâce aux observations de terrain et aussi en mode prévision, basée sur le modèle météorologique Arpège. La simulation est faite couche par couche.

Malgré les défauts du modèle S2M, notamment l’absence de la variabilité naturelle d’épaisseur de neige sur le terrain sur de courtes distances à cause du vent, il permet d’estimer la quantité d’eau qui sort du manteau neigeux grâce au paramètre « écoulement à la base » ou à partir de la diminution du paramètre « équivalent en eau du manteau neigeux ».

Précipitations et eau de fonte en supplément, exemple des 13 et 14 novembre 2023 sur les massifs des Savoie vu par le modèle S2M

Dans les tableaux, « l’écoulement » est l’eau qui sort à la base du manteau neigeux en 48 h d’après le modèle. Aux altitudes les plus hautes, soit il ne tombe que de la neige, soit toute l’eau liquide (pluie et fonte) est absorbée, le manteau neigeux « fait l’éponge ». Exception dans les Bauges où les plus hauts sommets ne sont pas assez élevés.

La situation est un peu différente d’un massif à l’autre et surtout entre les massifs internes de la Savoie (ceux du sud-est) et ceux de Haute-Savoie ainsi que les Bauges et le Beaufortain (ceux du nord-ouest). Si en 48 h les précipitations à basse altitude sont fortes mais loin d’être exceptionnelles, l’eau de fonte de la neige a été conséquente à moyenne altitude :

  • Massif du nord-ouest des Savoie : la fonte est sensible à partir de 1200 m environ, forte à 1500 m (plus ou moins 50 % en plus de la pluie et même 90 % en plus sur les Bauges), très forte à 1800 m où l’eau de fonte double la quantité d’eau due à la pluie sur la Haute-Savoie, encore plus sur les Bauges en valeur relative, mais un peu moins sur le Beaufortain. Par contre, toutes les précipitations sont absorbées par le manteau neigeux à 2400 m et au-delà.
  • Massifs du sud-est de la Savoie : Situation assez proche mais à un niveau d’altitude légèrement plus élevé et avec des valeurs d’eau de fonte plus faibles.
cumul précipitations 2 jours
© Météo France

 

La fonte de la neige a donc joué un rôle crucial dans les crues du 14 novembre 2023, mais principalement à moyenne altitude. L’impact sur les cours d’eau a donc été étroitement lié aux altitudes des bassins versants.

 

 

/// Article paru dans la revue "Risques Infos" n°47, septembre 2024, à consulter ici ou là :

 



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