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Evaluation de l’efficacité de l'information préventive en France

Publié le 9 avril 2013

Par François Giannoccaro

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Evaluation de l’efficacité de l'information préventive en France

L'IRMa a été sollicité pour contribuer à la réflexion engagée par l'Administration sur l’évaluation de l’efficacité de la politique publique et des outils associés en matière d’information préventive des populations sur les risques majeurs en France. Au regard de son retour d’expérience, l’Institut a été amené à cet égard à formuler plusieurs propositions pour faire évoluer le dispositif auprès de deux inspecteurs généraux des Ministères en charge de l’Ecologie et de l’Agriculture au cours d’une visite dans ses locaux.

Photo IRMa (de gauche à droite) : Xavier Meignien (CGAAER), Christian de Joannis de Verclos (CGEDD) et Henri de Choudens (IRMa)

C’est au cours d’un déplacement dans ses locaux à Grenoble, le mardi 9 avril 2013, que l’IRMa a reçu les Inspecteurs généraux Christian de Joannis de Verclos et Xavier Meignien, respectivement du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), pour contribuer à la réflexion engagée par l'Administration sur l’évaluation de l’efficacité de la politique publique et des outils associés en matière d’information préventive des populations sur les risques majeurs en France.

Plusieurs objectifs guident les Inspecteurs dans cette évaluation, notamment de pouvoir :

- évaluer le niveau d’efficacité du dispositif législatif et réglementaire en matière d’information préventive et sa mise en œuvre opérationnelle sur le terrain
- apprécier le niveau de réceptivité des populations aux différents messages de prévention et formes (les outils) de l’information préventive (DICRIM, IAL, PCS, repères de crues, vigilance météo…)
- discerner les dysfonctionnements du dispositif actuel ainsi que les raisons associées et les moyens pouvant raisonnablement être mis en œuvre pour y remédier
- identifier les pistes à explorer pour améliorer le niveau de responsabilisation individuelle et collective face aux risques majeurs



Les constats de l’IRMa provenant du terrain

Promouvoir un référentiel culturel collectif sur les risques passe nécessairement par une pérennisation dans le temps d’une série d’actions d’information préventive, de responsabilisation et de préparation des responsables/décideurs locaux et des populations à faire face aux situations de crise (sensibilisation, information, éducation, formation, exercices, entrainements…). La réglementation confère « in fine » aux maires la mission d’information préventive des populations. De manière évidente les constats sur le terrain font apparaitre qu’ils n’ont pas, pour la plupart, les moyens d’assurer efficacement cette mission. Or, il est nécessaire de renforcer les mesures d’information et de communication sur les risques au niveau local.

 

La politique de prévention des risques majeurs en France vise à permettre un développement durable des territoires, en assurant la sécurité des personnes et des biens. C’est une responsabilité essentiellement partagée entre l'État et les communes. L’objectif principal est d’éviter autoritairement les implantations humaines et économiques dans les zones à risques, cet aspect devant être très largement complété par une action de responsabilisation du citoyen. Sur ce second point, la prévention passe en priorité par l’information préventive des populations sur les risques majeurs.

L'information préventive est le moyen utilisé pour renseigner tous les citoyens d'une commune exposée à un ou plusieurs risques naturels ou technologiques sur la nature de ces risques, sur les mesures de prévention mises en place tant par l'Etat que par les communes elles-mêmes, et à leur enseigner les gestes élémentaires à avoir en cas d'accident ou de catastrophe.

Réglementairement, le maire reste en la matière le premier dépositaire de la connaissance et de la diffusion de l'information sur les risques auprès de la population.

La mise en œuvre de cette information préventive est organisée notamment par le décret n°90‑918 du 11 octobre 1990 modifié et repris dans le code de l’environnement. Il définit dans un schéma réglementaire d’information préventive les missions de ceux qui ont le devoir de réaliser l’information des citoyens : le préfet, les propriétaires et les industriels et tout particulièrement le maire « in fine » qui est tenu réglementairement de responsabiliser ses administrés exposés aux risques majeurs. Pour ce faire, le maire doit développer une série d’actions d’information  réglementaires au niveau local qui passe notamment par la réalisation d’un Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM). L’ensemble des dispositions réglementaires concernant le DICRIM est aujourd’hui codifié au Code de l’Environnement (CE), articles R125-9 à R125-14.

Dans la pratique sur le terrain, notre Institut constate régulièrement que l’information du « public » sur les risques majeurs n’est guère efficace. Son contenu est souvent « standardisé» et peu adapté au contexte local. Une fois dispensée, cette information est supposée permettre la détermination et l’organisation des comportements individuels. De nombreuses enquêtes d’opinion réalisées ces dernières années, montrent le peu d’efficacité des actions d’information préventive quand elles sont mises en œuvre sans concertation locale.

Au final, le droit des populations à l’information sur les risques est principalement diligenté par l'Etat à sens unique en direction des maires qui ne répercutent pas systématiquement cette information auprès de leurs administrés. Par ailleurs, quand cette information préventive est réalisée, il est très rare que des études soient diligentées sur l’évaluation du niveau de connaissance des informations dispensées ni de l’évolution dans le temps de cette connaissance.

Le public, grand absent des politiques publiques de prévention des risques

Aussi, le public apparaît aujourd’hui être le grand absent des politiques de prévention des risques. Au final, il ne se mobilisera qu’occasionnellement soit, après une catastrophe en tant que « sinistré » ou à travers « une solidarité spontanée » ou soit encore, sur des positions « défensives » pour s’opposer à la dévalorisation des biens fonciers que « l’affichage réglementaire du risque » sur le territoire peut générer.

 

Quelles évolutions pour une information préventive toujours plus efficace dans le cadre du développement d’une culture du risque ? Les principales propositions formulées par l’IRMa

 

Au niveau stratégique

- Au regard de certaines bonnes pratiques constatées sur le territoire national, encourager les Intercommunalités, les Départements et les Régions à engager des actions volontaristes en matière de développement d’une culture du risque (et les rendre légitimes)

- Favoriser sur le territoire national l’émergence ou la consolidation de centres de ressources régionalisés permanents chargés de la promotion et de la mise en œuvre opérationnelle de la culture du risque tels que le CYPRES de Martigues, le C-Prim de Lourdes ou encore de l’IRMa

- Généraliser les actions d’information préventive, notamment démarche DICRIM, sur les communes où les risques majeurs ne peuvent être exclus en complément des communes concernées par l’article R125-10 modifié

- Dès le plus jeune âge et tout au long de la vie, développer un apprentissage évolutif et régulier visant à renforcer  l’information et la préparation aux risques majeurs

- Favoriser l’implication civile et citoyenne dans les dispositifs de prévention des risques majeurs au niveau local (RCSC, Conférence riveraines, réseaux sociaux…)

 

Sur la mise en œuvre opérationnelle

- Rendre exigible au fond de prévention des risques naturels majeurs les actions de promotion d’une culture du risque initiées par les centres de ressources permanents évoqués dans le point précédent (selon des modalités de financement et des cadres partenariaux locaux qui restent à définir)

- Développer des outils d’évaluation de l’impact des actions d’information préventive réalisées et de l’évolution dans le temps de la connaissance de ces informations auprès des populations

- Fort de la création de l’Observatoire National des risques Naturels (ONRN), encourager des partenariats pérennes au niveau local (DREAL, Conseil régionaux, Conseil généraux, Intercommunalités…) pour favoriser la création d’observatoires locaux des risques (REX Languedoc-Roussillon, Aquitaine, PACA…)

- Créer au niveau local des centres d’interprétation des aléas et des risques (CIAR)

 

Sur la nature de l’information et son format (l’information préventive conditionne la préparation de la compréhension par les populations des informations dispensées pendant le déroulement d'un évènement  notamment en matière de mise en vigilance et d'alerte)

- Clarifier les concepts de vigilance et d’alerte. En effet, les confusions sémantiques sont récurrentes notamment dans l’utilisation des termes de « vigilance » et « d’alerte », confusion de commodité souvent relayée par les médias

- Face aux risques à cinétique rapide, développer de véritables systèmes d’avertissement des autorités locales et des populations privilégiant des circuits courts, utilisant notamment les technologies de l’information et de la communication

- Définir clairement les conseils de comportement « en mode réflexe » à diffuser auprès des populations au regard du niveau de risque (appréciation des seuils critiques) et de la cinétique de l’événement

- Définir clairement le rôle des médias sociaux en situation d’urgence (MSGU) pour traiter et relayer l’information en temps réels et préparer les acteurs à utiliser ces médias (Cf les recommandations du Bureau régional de la gestion d’urgence de Wellington - Nouvelle-Zélande - 2012). Se pose la question de l’implication civile et citoyenne en la matière.

- Pour les Installations industrielles : cadrer l’information des populations en cas d’incident perceptible de l’extérieur hors contexte PPI (REX Lubrizol - 2013)

 

Sur les outils à promouvoir en matière de d’information préventive (non exhaustif)

- Généraliser l'obligation d'établir des PCS dans toutes les communes où le risque majeur ne peut être exclu (également hors procédure PPR)

- Consolider l’information préventive du public à travers les PCS notamment à l’occasion d’exercices à caractère participatif. Objectif : mobiliser l’habitant en le rendant acteur

- Former dans la durée les responsables et décideurs locaux sur la gestion des risques majeurs et les outils d’aide à la décision

- Former dans la durée les journalistes qui ont un rôle majeur à jouer en tant que relais d'information dans les situations de crise

- Promouvoir les réserves communale de sécurité civile (RCSC) et reconnaître le rôle actif que leurs membres pourraient avoir pour développer localement des actions d’information préventive en soutien à leur commune d’appartenance

- Promouvoir l'engagement service civique auprès de certaines institutions ou organisations pour développer localement des actions d'information préventive en particulier auprès du public jeune (REX IRMa)

- Promouvoir des plans familiaux de mise en sécurité (PFMS) en particulier dans les zones à risques à cinétique rapide

- A l'instar des Plans Particuliers de Mise en Sûreté (PPMS) qui doivent être mis en place dans les établissements scolaires pour faire face à l'accident majeur, promouvoir des Plans d’Organisation et de Mise en Sureté (POMSE) dans tous les Etablissements Recevant du Public (ERP) en particulier dans les zones à risques à cinétique rapide

- Développer au niveau local l’utilisation du multimédia et de l’internet pour favoriser l’information préventive (REX DICRIM multimédia de Saint-Etienne)

- Développer des outils destinés à mieux gérer l’information des populations durant la phase de la post-catastrophe.



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