Politiques publiques | Risque industriel
Le site des CLIC Rhône-Alpes a dernièrement publié un rapport instructif de l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE) de Vaulx-en-Velin. Nous en proposons quelques éléments de synthèse.
Les comités locaux d’information et de concertation (CLIC) ont été institués en France par la loi Risques de 2003, à la suite de la catastrophe survenue le 21 septembre 2001 sur le site de l'établissement Grande Paroisse de l'usine AZF à Toulouse. Cet accident, qui a entraîné la mort de 30 personnes, blessé plus de 2000 personnes et provoqué des dégâts matériels estimés à plusieurs milliards d'euros, nous a rappelé notre vulnérabilité au risque industriel. D’un point de vue politique, il a également largement contribué à l’introduction de la concertation dans la politique de prévention des risques industriels, au-delà de la seule information préventive.
Ainsi, on dit tantôt que les CLIC ont été institués pour garantir une meilleure information du public et de développer au sein de la population la conscience du risque qui fait souvent défaut dans les zones d'exposition aux risques, ou qu’ils ont été conçus comme des instances de concertation privilégiées autour des établissements à haut-risques. Ils ont pour but de favoriser une information et un échange de proximité. Ou encore, dans une vision un peu plus réductrice, et pour reprendre les mots de la rédaction du site web des CLIC Rhône-Alpes, le CLIC aurait pour vocation à être le « lieu où l’on pose des questions et où l’on reçoit des réponses ».
Les CLIC ont été institués de manière récente ; et il est vrai qu’un retour d’expérience sur leur fonctionnement peut pour le moment apparaître prématuré.
Le travail mené par quatre chercheurs de l’ENTPE évite cet écueil en étudiant le fonctionnement d’un CLIC, celui de Feyzin (69), sous un angle d’attaque précis : celui de la phase de construction de cet espace de débat, par une étude des attentes de chacun des acteurs en présence vis-à-vis de la création du CLIC.
Les auteurs du rapport, Magali NONJON, François DUCHENE, Françoise LAFAYE et Emmanuel MARTINAIS, dissocient, au niveau local, les "acteurs traditionnels" (services de l’Etat, exploitants et collectivités locales) des « nouveaux entrants » de la prévention du risque (salariés, riverains et associations). Et en effet, il est à noter que les CLIC proposent désormais des espaces de débat et d’expertise à des individus et des groupes qui jusque-là n’étaient pas formellement représentés, principalement les « salariés » des entreprises concernés, les "riverains" et les associations locales.
Les auteurs du rapport se sont attachés "à analyser la constitution de ce CLIC à travers les modes de recrutement, les profils des membres sélectionnés, les habitudes de travail commun qui préexistent au CLIC – notamment les liens des acteurs avec les autres instances de concertation, ou du moins d’information, sur les risques industriels –, les enjeux qu'attribuent ces différents acteurs à leur participation et les manières dont leur participation va (ou non) être reconnue légitime."
En matière de fonctionnement, leur attention a porté "sur leurs manières d’analyser la première et unique réunion de l’instance et plus particulièrement : les modes d’intervention, la circulation de la parole, leurs visions de cette réunion, leurs manières d’envisager l’avenir de l’instance".
Le travail montre que le principe de cette participation élargie demeure dans un premier temps problématique, du côté des acteurs comme du côté des "nouveaux entrants".
En conclusion du travail effectué, le rapport insiste sur les différences d’attentes que ces acteurs peuvent nourrir à l’égard du CLIC et leurs dimensions parfois contradictoires. Les observations et entretiens menés par les auteurs suggèrent au final deux constats :
En somme, le rapport conclut sur le fait que loin de pouvoir être considéré comme un espace réel de concertation, le CLIC de Feyzin demeure aujourd’hui avant tout un « organe d’Etat ».
Au-delà, le CLIC aurait même pour but de favoriser l’acceptabilité des risques industriels :« le CLIC fonctionne avant tout comme un dispositif d’accompagnement de la politique de prévention des risques industriels mise en œuvre localement par la DRIRE. La dimension « concertation », telle qu’elle est pour le moment véhiculée par les acteurs locaux, semble avant tout être comprise dans sa dimension gestionnaire, d’amélioration de l’efficacité publique plus que dans une logique de participation aux processus même de décision. A cet égard, la révolution pédagogique annoncée semble davantage servir un objectif de communication, celui qui consiste à favoriser l’acceptabilité des risques industriels. »
Ces analyses sont-elles valables pour le long terme ? Et sont-elles généralisables à l’ensemble des CLIC ? Il semble actuellement trop tôt pour le dire. Pour les auteurs du rapport, « la constitution des CLIC permet de la diversité dans leur composition, leur mode de fonctionnement ou sur les objectifs qu’ils se donnent. C’est pourquoi [ils posent] l’hypothèse que c’est bien le territoire, défini comme un système d’acteurs, qui contribue à fixer le sens et la véritable nature de ces nouveaux dispositifs d’information et de concertation. Ainsi, les logiques locales des acteurs permettent de comprendre la configuration que prend finalement le CLIC. »
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