Initiatives locales & bonnes pratiques
Evaluation des risques | Gestion de crise | Résilience
Le territoire grenoblois à la croisée de plusieurs cours d’eau et entouré de hauts massifs alpins présente des atouts indéniables qui ont fait son attractivité tant pour les populations que les acteurs économiques. Néanmoins ses caractéristiques géographiques en font un territoire à risques : aléas hydrauliques de plaine ou de versant, risques gravitaires, sismiques ou technologiques (Figure 1). Son développement historique dans un contexte de vallée alpine et comptant de nombreuses fonctions métropolitaines (nombre important d’enjeux, nombreuses fonctions stratégiques (santé, enseignement, administrations, pôles de recherches et d’activités, lieux de rassemblement de grande capacité…)) en font un territoire intrinsèquement vulnérable. C’est en pleine conscience de ce contexte et en responsabilité que la Métropole s’est lancée depuis 2016, dans une démarche et une stratégie volontariste d’adaptation aux risques et de résilience territoriale. Cette stratégie sous forme de gestion intégrée, se décline en termes de planification, aussi bien au niveau de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, qu’au niveau de l’aide à la gestion de crise et du retour d’expériences.
Afin de concilier développement, attractivité et réduction de sa vulnérabilité à la diversité des aléas présents, la métropole de Grenoble s’est engagée depuis 2017 dans une stratégie de résilience de son territoire. Celle-ci se base sur différents axes de travail :
Le déploiement d’une telle stratégie nécessite de développer une connaissance fine des aléas, des enjeux du territoire et au-delà, de leur vulnérabilité. Au niveau des aléas, la réalisation du PLUI (Plan local d’urbanisme intercommunal), approuvé en 2019 a permis de compléter, actualiser et renforcer la connaissance réglementaire des risques sur l’ensemble du territoire métropolitain. Pour ce qui est des enjeux, également nécessaires au développement de la connaissance des risques et de la vulnérabilité, la création de la Métropole en 2015 et l’attribution de ce fait de nouvelles compétences a permis l’acquisition, la production et la diffusion de nombreuses données (transports, voiries, exploitation réseaux, énergie, équipements publics…).
Le croisement des données aléas et enjeux a permis de connaître la vulnérabilité du territoire métropolitain. Le développement de cette connaissance revêt plusieurs objectifs pour le territoire :
Une vingtaine d’indicateurs de vulnérabilité ont été retenus pour être traités par les géomaticiens de la mission Risques et de la direction de l’Urbanisme et de l’Aménagement métropolitaines (Figure 2). Certaines données ont fait l’objet de traitements plus complexes. Le processus méthodologique pour la caractérisation des vulnérabilités a été conçu dès l’origine pour permettre la meilleure utilisation possible des résultats dans les différents applicatifs.
La première étape de la constitution de la base de données vulnérabilités a consisté à recueillir en interne ou auprès de partenaires extérieurs les données nécessaires aux croisements. Différents prétraitements ont été nécessaires afin d’homogénéiser la structure des bases de données.
Certains indicateurs ont ensuite nécessité la génération d’algorithmes de traitement et de croisement de bases de données complexes ainsi que la mise en place de tests statistiques permettant de valider les méthodes et résultats obtenus. Cela a notamment été le cas de l’indicateur population qui nécessite d’appliquer un traitement particulier dans les zones rurales peu denses. Idem pour déterminer la typologie des logements, où il s’agit de distinguer une maison de plain-pied, très vulnérable, d’une maison avec étage, d’un appartement en rez-de-chaussée ou d’un immeuble sans logement au rez-de-chaussée. Pour les entreprises, l’enjeu était de connaître les effectifs.
L’usage de la donnée ne peut se faire de manière efficace et précise qu’avec des représentations et des illustrations adaptées. Pour cela et en fonction des usages, sont générés des cartographies de la vulnérabilité. Ces cartes ont pour objectifs d’avoir au-delà des chiffres une analyse qualitative des résultats grâce à une représentation cartographique la plus accessible possible, pour être utilisée par des agents et des acteurs non spécialistes des systèmes d’information géographique. Cette représentation peut se faire de différentes manières.
Par exemple, la carte ci-contre (Figure 3) représente la densité de logements situés en zone inondable en fonction de la couleur du carreau, afin de mesurer quantitativement et qualitativement la vulnérabilité des habitants. Le chiffre dans le carreau indique le nombre de logements directement atteints par l’inondation (logement sous les Plus Hautes Eaux (PHE)), permettant ainsi de connaître la vulnérabilité des biens. De cette manière, il est possible d’identifier rapidement et de manière qualitative les quartiers les plus vulnérables, mais aussi d’estimer quantitativement et finement le niveau d’exposition.
Les résultats peuvent aussi être traduits sous forme de statistiques selon différents critères. Par exemple, des statistiques sur chaque indicateur peuvent être calculés selon le type d’aléa : lié à une défaillance d’ouvrage (digues), un débordement de cours d’eau sans défaillance, un aléa hydraulique de plaine ou de versant…
Enfin, pour permettre une exploitation des résultats plus opérationnelle et approfondie tout en restant didactique, une application cartographique d’aide à la gestion de crise nommée ACDC a été créée.
Cartographier précisément les aléas, les enjeux du territoire et sa vulnérabilité est un enjeu fort dans les différentes étapes de la gestion des risques et des crises, de la préparation à l’anticipation, de la veille aux opérations de sauvegarde. Depuis la création de la Mission Risques, les différentes communes de la Métropole et ses services d’astreintes avaient exprimé le besoin de pouvoir disposer d’un outil cartographique performant et accessible, mobilisant et restituant les données métropolitaines nouvellement produites dans le cadre de sa stratégie Risques et Résilience.
La Mission Risques a pu y répondre favorablement, disposant des ressources humaines et techniques à même de produire ces corpus et outils ainsi que d’animer des comités d’utilisateurs cibles afin de spécifier leurs attentes sur un outil performant, dématérialisé, didactique et sécurisé.
La création d’une application cartographique numérique est ainsi ressortie comme l’option la plus adaptée, avec pour objectifs :
C’est dans le cadre de l’opération GIRN (Gestion intégrée des risques naturels) du Massif des Alpes que l’application cartographique d’aide à la gestion de crise (ACDC) a été développée à partir de début 2020, en mobilisant les données vulnérabilités métropolitaines présentées précédemment. L’application devant pouvoir fonctionner lors de la crise sans la présence physique d’un géomaticien, toutes les fonctionnalités sont pré paramétrées et interrogent directement une base de données spécifiquement structurée pour ce besoin.
Cette application se présente sous la forme d’un portail cartographique accessible depuis le web avec identifiant et mot de passe (Figure 4). Elle contient des données sur les enjeux : les logements (de plain-pied, au rez-de-chaussée, à l’étage), les entreprises avec les effectifs salariés, les ERP avec leurs capacités d’accueil, les mobilités (transports en communs, stationnements en ouvrage, axes structurants…), l’énergie (postes électriques, centrales de production de chaleur…), les sites industriels ainsi que les sites stratégiques (services techniques, secours, gymnases…) et sensibles (écoles, établissements de soins…). Ces derniers sont rapidement identifiables.
(Figure 4) Portail cartographique d'aide à la gestion de crise accessible depuis le web © Grenoble Alpes Metropole
Les couches aléas sont également intégrées pour une vision globale ou afin d’isoler un évènement spécifique, utile lors d’une crise.
Un onglet « procédure » (Figure 5) permet d’afficher les différents plans de gestion de crise existants sur le territoire (Plans particuliers d’intervention (PPI) par exemple). Les agents peuvent ainsi connaître les points de bouclage exacts et les axes à couper en cas de crise.
(Figure 5) : Onglet « procédure » qui permet d’afficher les différents plans de gestion de crise existants sur le territoire © Grenoble Alpes Metropole
Enfin, une couche d’information centralise les différents évènements recensés par les acteurs du territoire. Cette inscription devrait permettre à terme d’obtenir une base de données évènements métropolitaine.
Les fonctionnalités proposées par l’outil sont nombreuses :
Dans la perspective de futurs développements, il est souhaité de pouvoir faire un lien avec l’affichage des aléas résultant des études de danger des digues afin d’avoir des aléas de référence mais aussi des scénarii fréquents et extrêmes.
Il est aussi envisagé de travailler sur la création d’un algorithme permettant d’identifier lors d’alertes météorologiques les secteurs les plus sensibles (qui ont déjà réagis suivant la base de données évènements métropolitaine), pour anticiper et déployer des mesures préventives spécifiques.
Le développement d’une main courante est aussi en projet. Elle permettra d’acquérir une connaissance précieuse pour le retour d’expérience. Cette dernière sera reliée au portail dématérialisé des astreintes métropolitaines (Résylis).
La prise en main par les utilisateurs de l’application s’est accompagnée de sessions de formation à l’outil et à ses différentes fonctionnalités. A terme, au-delà des communes du territoire, l’objectif est aussi de doter l’astreinte et certains agents d’exploitation de cet outil.
Si cette application peut être un outil d’aide à la décision très puissant, en particulier en planification et anticipation des crises, elle reste dépendante de la qualité des bases de données sources.
En matière de résilience, la mise à disposition de l’application s’accompagne d’un questionnement sur sa robustesse en cas de crise. Différentes hypothèses sont à l’étude (fonctionnement de l’outil en mode déconnecté, duplication des données sur plusieurs serveurs…). En attendant ces modalités de redondances numériques, le contenu de l’application est doublé sur un atlas PDF dynamique qui sera disponible pour les utilisateurs en version papier.
L’application ACDC est un outil d’aide à la décision performant, notamment en amont et préparation des crises qui se veut accessible à toutes les personnes participant à la gestion de crise, de l’élu à l’agent d’exploitation. Un tel outil, qui ne se substitue en rien aux outils et documents réglementaires (PCS notamment), propose une nouvelle approche cartographique des opérations de sauvegarde pour objectiver et faciliter la gestion des risques et de la crise territoriale.
Ce travail a été réalisé avec le financement de l’Union Européenne (FEDER-POIA), de l’Etat (FNADT-CIMA) et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
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