Mémoire & retour d’expérience | Crue / Inondation
Le SYMBHI (Syndicat mixte des bassins hydrauliques de l’Isère) est un syndicat au service des collectivités territoriales et des habitants. Depuis le 1er février 2023, il a le statut d’EPAGE (Établissement public d’aménagement et de gestion des eaux). Il met en œuvre un aménagement et une gestion intégrée des rivières et des milieux aquatiques. Il est l’établissement en charge de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations dans la partie sud du département de l’Isère. Parmi les nombreux projets que le syndicat porte, il y a le projet Isère Amont qui a permis de lutter contre les inondations sur l’axe Isère entre Pontcharra et Grenoble.
Le projet Isère amont a été conçu avec un changement de paradigme : redonner de la place à la rivière pour mieux gérer les crues et les milieux naturels.
L’objectif du projet est de protéger les zones urbanisées de la vallée du Grésivaudan et de la Métropole grenobloise jusqu’à la crue de période de retour 200 ans (1890 m3/s à Pontcharra, 50 km en amont de Grenoble). Cela correspond approximativement à la valeur de débit de pointe estimée de la crue du 2 novembre 1859 où les hauteurs d’eau ont atteint 1,5 m dans les rues de Grenoble. Les travaux protègent également les zones agricoles jusqu’à la crue de période de retour 30 ans (cf. figure 1).
Les constats avant les travaux :
Les objectifs
Les travaux, d’un montant de 135 millions d’euros HT ont été réalisés de 2011 à 2023 avec l’aide financière de l’État, du Département de l’Isère et de l’Agence de l’eau.
Les inondations de novembre et décembre 2023 sont survenues un an après la fin des travaux du projet Isère Amont. Toutes étaient causées par la combinaison de plusieurs facteurs : des cumuls de pluie importants, une fonte nivale significative, des sols profondément saturés en eau et des affluents déjà fortement chargés. Lors de la crue du 15 novembre 2023, le cumul des précipitations entre le 12 novembre et le 15 novembre sur les postes de Haute-Tarentaise, de l’Arly ou du Beaufortain atteint 100-110 mm. L’augmentation des températures durant la même période est de 10 °C en altitude (altitude >1600 m), entrainant une fonte du manteau neigeux de 20 cm. Les débits enregistrés à la station de la Bastille à Grenoble pour les crues sont les suivants :
Durant ces évènements, les équipes du SYMBHI ont assuré une surveillance 24h/24 dès l’émission des bulletins de vigilance émis par le SPC (Service de prévention des crues).
Tout au long de ces épisodes, les équipes ont informé les acteurs locaux et mis en place une gestion de crise pas à pas. Les divers acteurs, incluant les services de l’État, les communes, les Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et le Département de l’Isère, ont travaillé en étroite collaboration pour sécuriser les zones touchées par les crues, fermer les voies vertes pendant que le SYMBHI mobilisait des équipes de terrain pour surveiller d’éventuels désordres à l’approche et pendant la crue. Il s’est également assuré que les ouvrages du système d’endiguement assuraient pleinement leur rôle.
Les travaux fraichement terminés ont pu montrer leur efficacité. Le renforcement des digues et le contrôle du développement des îles végétalisées et des dépôts de sédiments dans le lit de l’Isère ont permis d’éviter les brèches dans les digues. En effet, avant la réalisation des travaux, on estimait qu’au-dessus d’une crue décennale (910 m³/s à Grenoble), les digues étaient surversées et la plaine agricole entre Saint-Ismier et La Tronche en rive droite et entre Le Versoud et Gières en rive gauche était inondée, ainsi que les zones urbaines basses des communes de Meylan, La Tronche, Domène, le Versoud et Murianette.
De plus, la mise en fonctionnement des stations de pompage a permis d’éviter que l’Isère ne remonte dans les chantournes. Elles sont au nombre de deux sur le projet Isère Amont : celle de Cheminade, située sur la commune de Gières, drainant les zones urbanisées de Gières, Murianette et Domène ainsi que les plaines agricoles des mêmes communes et celle de la Tronche, au niveau du CHU. La présence des agents durant la nuit a été nécessaire pour surveiller la station de Gières (cf. photo 2).
Et à l’aval de Grenoble ?
Une fois le pic de crue atteint à Grenoble, l’Isère, dans sa partie aval, est également entrée en crue. Les apports du Drac, son principal affluent, ajoutés à ceux de l’Isère ont entrainé un débit de pointe de 1450 m³/s, ce qui correspond à une crue supérieure à la décennale.
Le SYMBHI a donc également mis en place une surveillance des digues entre Saint-Quentin-sur-Isère et Saint-Marcellin pour les trois crues. La coordination s’est occupée de prévenir les communes et intercommunalités de la zone et de coordonner les opérations sur le terrain et le lien avec la préfecture.
Une fois le pic de crue passé et la décrue entamée, un dernier travail de surveillance des digues est réalisé par le SYMBHI. C’est lors de la décrue que les équipes se rendent compte des dégâts causés sur la digue et que les éventuels désordres sont repérés. À la suite de cet état des lieux, des travaux d’urgence peuvent être menés. Ce fut le cas pour le lac de la Taillat où des travaux de confortement ont eu lieu en janvier 2024 pour un budget de 700 000 euros (financés par le Département de l’Isère, Grenoble Alpes Métropole et les autres EPCI membres du SYMBHI).
Le CIC de Crolles-Lumbin s’est mis en eau, le protocole d’indemnisation des agriculteurs a été lancé (cf. photo d’en-tête).
La zone de garage des tramways de Gières a été inondée lors de la crue de novembre 2023, vraisemblablement par refoulement dans le sonnant d’Uriage. Une étude devra être menée pour comprendre les causes du phénomène et éviter son renouvellement.
Le niveau de l’eau en crue, à proximité immédiate de l’agglomération grenobloise, a été plus élevé que ce que simulaient les modèles. Une étude est en cours pour vérifier si cela est lié à des dépôts de matériaux importants dans ce secteur avant ou durant la crue.
// Article paru dans la revue "Risques Infos" n°47, septembre 2024, à consulter ici ou là :
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