Photographie CC-BY : Gwenn Boussard - www.photo-grenoble.com
Ce site est né d’une rencontre. L’événement se situe en 2008 peu après la parution de mon ouvrage consacré à La Résilience (PUF Que sais-je ?). Dans ce travail, j’envisage tous les travaux consacrés à ses différents aspects, pour conclure finalement au caractère toujours fragile et hypothétique des résiliences individuelles et à la nécessité de construire une résilience collective. J’eus alors la surprise d’être contacté par le Ministère en charge du Développement Durable (actuellement Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie – MEDDE) afin d’imaginer ensemble comment favoriser la résilience collective des populations confrontées à diverses formes de catastrophes. J’ai immédiatement proposé de construire un site participatif. Sur Memoiredescatastrophes.org, chacun peut d’abord trouver des descriptifs de catastrophes, mais également des témoignages sur des événements qu’il a lui-même vécus, ou sur lesquels il s’interroge. Un partenariat avec l’INA donne en effet accès à de nombreuses images et vidéos des catastrophes qui ont frappé le territoire national. Mais chacun peut aussi témoigner en déposant au choix des photographies, des films, des écrits ou même son témoignage oral. Il peut aussi entrer en contact avec d’autres personnes qui ont vécu des drames semblables au sien, voire commencer à tisser des liens dans le but de constituer une communauté animée d’une préoccupation commune, par exemple l’organisation d’une prévention efficace sur son lieu de vie ou de travail. Les déposants peuvent aussi être des associations. Enfin, l’accès aux catastrophes est facilité par la mise à disposition de trois outils : une carte du territoire (Métropole et Départements et Régions d’Outre Mer), une frise chronologique déroulante, et la possibilité d’effectuer la recherche d’une catastrophe à travers un mot clé ou bien sa date d’occurrence.
Il y a deux grandes raisons. Tout d’abord, beaucoup de drames personnels sont rattachés à des événements collectifs. On sait par exemple qu’une tornade, une mauvaise récolte, ou une crise économique majeure sur une région peuvent provoquer des dépressions, des suicides, voire le renoncement douloureux à avoir des enfants. L’histoire collective est une composante des histoires privées, et on guérit bien mieux des secondes quand on prend en compte les premières.
La seconde raison est que la connaissance des drames du passé et des moyens employés pour y faire face aide les générations nouvelles à prendre conscience à la fois des menaces et des possibilités de s’y préparer. Grâce à cette connaissance, les jeunes sont invités à se penser comme acteurs en lien avec les autres. De ce point de vue, memoiredescatastrophes.org s’intègre pleinement à l’élan national d’information des populations aux risques majeurs tel que définit par le Code de l'environnement. La mémoire des catastrophes du passé participe en effet à la fois à la confiance en soi et dans le monde, et on sait aujourd’hui que cette double confiance est un élément majeur de la résilience. C’est pourquoi le site Mémoiredescatastrophes.org est placé sous le signe des échanges entre les générations. A ce titre et à travers la collecte des témoignages qui en sont issus, nous sommes associés au projet national faisant intervenir des scolaires « Mémo'Risks - ma ville se prépare !» (Association Prevention2000). Car les catastrophes appartiennent à notre histoire, et, comme pour toute histoire, la meilleure manière de ne pas courir le risque de la vivre à nouveau est de la connaître.
Nous savons aujourd’hui que la résilience est un phénomène complexe qui comporte quatre phases successives[1]. 1) Se préparer aux traumatismes possibles. 2) savoir résister à leurs effets 3) Se reconstruire en reconstituant ses capacités, mais aussi en profitant des bouleversements qui sont survenus pour envisager un développement sur d’autres bases 4) Consolider le rétablissement, car une fois que la crise a été jugulée, les séquelles, aussi bien physiques que psychologiques, peuvent être nombreux. En même temps, cette quatrième phase rejoint la première et constitue le début d’un nouveau cycle possible. Consolider les acquis du rétablissement est en effet une façon de se préparer aux traumatismes ultérieurs possibles.
Le site memoiredescatastrophes.org organise et facilite la prévention des catastrophes à chacun de ces moments. Se préparer aux catastrophes est en effet grandement facilité par les échanges avec des personnes qui en ont vécu de semblables et qui ont appris à les gérer. Résister et se rétablir après elles est également facilité par la possibilité d’établir des contacts et des rencontres autour des expériences de chacun. Enfin, la possibilité de rejoindre une communauté participe à la consolidation de la résilience, tandis que les échanges intergénérationnels préparent les nouvelles générations à faire face à des situations imprévisibles. Il participe ainsi au projet de réduire la vulnérabilité des populations en renforçant leur capacité à anticiper, à résister, à s’adapter et à se relever, tout en consolidant les acquis de l’expérience.
Dans ce but, le site memoiredescatastrophes.org facilite aussi les travaux de recherche, universitaires ou non, ainsi que l’édition de documents permettant de construire une politique de prévention dans laquelle chacun soit un acteur informé. Il se veut un support pour des démarches d'éducation et d'enrichissement culturel et citoyen.
Les victimes, bien sûr, mais pas seulement. Ceux qui y ont assisté à des drames collectifs sans en être affectés personnellement dans leurs biens ou dans leur chair, et tous ceux qui en ont entendu parler, notamment de la part des victimes directes, peuvent aussi témoigner. Et bien entendu aussi les sauveteurs, dont le point de vue n’est jamais extérieur aux souffrances auxquels ils ont dû faire face. Chacun de ces protagonistes apporte non seulement un regard différent, mais aussi complémentaire du fait des spécificités inhérentes au positionnement de chacun. Memoiredescatastrophes.org est en effet totalement en accord avec la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 qui veut mobiliser l’ensemble des compétences contre les risques technologiques, naturels ou de nature terroriste, en insistant notamment sur l’encouragement des solidarités. Et cette complémentarité participe aussi à la résilience des générations actuelles et futures en les préparant à faire face à des drames dont on sait aujourd’hui qu’ils sont inévitables. Il appartient maintenant à chacun de s'en emparer et d'éveiller les générations nouvelles à une « culture des risques majeurs », indispensable à une meilleure Résilience.
[1]Comme il est exposé dans le document du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations consacré à cette question (N°202/DEF/CICDE/NP du 12 décembre 2011).
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