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Politiques publiques | Feux de forêt

la Cour des Comptes dénonce certaines lacunes dans la prévention des risques naturels en métropole

Publié le 5 fevrier 2009

Par Nelly Mioni

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la Cour des Comptes dénonce certaines lacunes dans la prévention des risques naturels en métropole

Le 4 février, la Cour des Comptes a dénoncé dans son rapport annuel, certaines lacunes de la prévention des risques naturels en métropole. L’IRMa souligne en particulier une des recommandations de la Cour d’optimiser la coordination au plus haut niveau national de la politique globale vis à vis des risques. Actuellement, aucune administration ni aucun haut fonctionnaire n’a le statut de "référent national" pour animer une telle politique transversale.

Face à des "perspectives de changement climatique qui devraient augmenter la probabilité et l'intensité de ces catastrophes", la Cour des comptes a décidé d'examiner les actions publiques visant la prévention, la lutte contre ces risques, l'indemnisation et la réparation des dégâts éventuellement occasionnés.

Pour mémoire, le grand Sud a connu depuis deux décennies plusieurs catastrophes et se singularise par un nombre de victimes important (36 victimes en novembre 1999 et 24 en septembre 2002) :

Feux de forêts :

  • En 2003 : 68 900 ha de forêts brûlés sur un total de 73 300 ha soit 94 % dans les départements méditerranéens
  • En 2007 : 6 400 ha brûlés sur 7 600 ha soit 84 % en zone méditerranéenne.

Nombre de communes déclarées sinistrées par arrêté cat-nat (pourcentage exprimé par rapport à la métropole) :

  • 2002 : 54 %
  • 2005 : 57 %
  • 2006 : 17 %

Les faiblesses détectées par la Cour des Comptes

Un dispositif mal coordonné :

En matière de feux de forêt, la forêt méditerranéenne fait l'objet d'une organisation spécifique constituée d'une délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM), directement rattachée au Préfet de la zone de défense sud, qui dispose de moyens limités et ne centralise pas tous les crédits mobilisés. De plus,  ce service coordonne de manière imparfaite l'action déconcentrée de l'Etat, en particulier la prévention. En matière d'inondations, l'éparpillement des responsabilités est préjudiciable à la coordination des actions.

Un suivi insuffisant des leçons des catastrophes :

Les préconisations importantes qui ont suivi les incendies de 2003 n'ont été suivies d'aucune réalisation significative, ou avec un grand retard. Concernant les inondations, les recommandations formulées dans les retours d'expérience ne sont pas systématiquement suivies.

Des moyens budgétaires mal connus et mal évalués :

En 2006, le total des dépenses budgétaires consacrées à l'ensemble des risques de catastrophes          naturelles était de 759 millions. La part des dépenses de l'Etat consacrées spécifiquement aux inondations et aux feux de forêt, a été d'environ 130 millions pour les feux et 135 millions pour les inondations.

D'autre part, les dépenses de l'Etat pour ces risques sont imputées sur des budgets relevant des Ministères en charge de l'Intérieur, de l'aménagement du territoire, de l'agriculture et de l'Ecologie. Cette diversité est source de complexité. De plus, ces dépenses sont réparties différemment : elles sont très concentrées sur la prévention des inondations et partagées entre la prévention (avec une tendance à la stagnation) et la gestion des cris

Les points à améliorer

1- La prévention

Pour les incendies, la Cour préconise d'exploiter davantage la forêt méditerranéenne (la production moyenne annuelle est de 1,2 m3/ha contre 10 m3/ha dans les Landes, et d'aménager des coupures agricoles pour ralentir la progression des feux.

Elle suggère également d'accélérer le déploiement des plans de prévention des risques d'incendies de forêt (PPRIF). Pour exemple, dans le Languedoc-Roussillon, 36 PPRIF ont été prescrits ou approuvés alors que 1317 communes sont recensées à risque.

Ces plans se heurtent à la réticence des collectivités et des propriétaires qui sont soumis à des contraintes de construction et voient diminuer la valeur de leur terrain.

La Cour propose un meilleur contrôle du débroussaillement en s'appuyant sur les communes par exemple, en leur transférent la responsabilité des travaux qui seraient financés par les ressources communales avec le concours éventuel des conseils généraux.

Pour les inondations, le taux d'approbation de PPRI dans les communes à risque est inférieur à 50 % dans la quasi-totalité des départements du Languedoc-Roussillon. Dans ce contexte, la Cour déplore l'évolution des constructions dans les zones inondables : en 1999 dans le Gard, 30 % des zones urbanisées étaient situées en zone inondable, soit 37 % de la population.

Un effort particulier doit être porté vers les travaux d'aménagement visant à réduire la vulnérabilité tels que la consolidation des digues du delta du Rhône. Les moyens humains nécessaires au contrôle de ces aménagement doivent être aussi en nombre suffisant.

 

2- La gestion de crise

Malgré quelques imperfections, la Cour reconnaît une amélioration de la gestion des catastrophes qui a fait preuve d'une grande efficacité en comparaison à d'autres pays européens ou outre-Atlantique.

Les moyens financiers consacrés aux feux de forêt ont fortement augmenté passant de 62 M€ en 2005 à 103 M€ en 2007.

Pour les inondations, les formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) sont prêtes à intervenir en 1 à 3 heures lors de catastrophes majeures. Par contre, il est nécessaire d'adopter une meilleure stratégie pour les moyens aériens, en terme de composition et d'utilisation.

La cour préconise une amélioration des systèmes de prévision et de l'alerte. Depuis son rapport public de 2006, la Cour constate que Météo France a amélioré la qualité de ses prévisions. Des progrès restent à faire au niveau de la prévision des phénomènes urbains de ruissellement dont les conséquences peuvent être aussi dramatiques que celles des crues de cours d'eau.

 

3- Les dispositifs d'indemnisation et de réparation

La Cour rappelle les caractéristiques du régime "cat-nat"qui est peu incitatif à la prévention dans le sens où c'est un régime de "prime unique qui n'incite pas les assurés à prendre conscience des risques naturels auxquels ils sont exposés, notamment les entreprises dont les dommages sont potentiellement coûteux". Elle suggère d'accroître les réserves du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles afin de faire face à un éventuel sinistre majeur et d'aménager la tarification des primes d'assurance.

Concernant l'assurance incendie, la Cour rappelle une disposition qui mériterait d'être étudiée, l'article 10 de la loi du 13 août 2004 autorisant les assureurs à majorer la franchise jusqu'à 5 000 € supplémentaires en cas de non respect de l'obligation de débroussaillement par les propriétaires sinistrés.

Vers une optimisation de la coordination de la politique publique vis à vis des risques majeurs

L'IRMa souligne la remarque de la Cour des comptes qu'"Aucune administration ni aucun haut fonctionnaire n'a le statut de "référent national" chargé d'animer la politique de l'Etat vis-à-vis des risques, dans toutes ses composantes, prévention, gestion de la crise et réparation, et doté de prérogatives de coordination" (le décret 2008-680 du 9 juillet 2008 confie à la DGPR la coordination interministérielle des politiques de prévention des risques majeurs -article 8-, tandis que le décret n° 2008-682 du même jour confie à la DSC la prévention des risques civils de toute nature, de la planification des mesures de sécurité civile -article 6-).

Un tel partage est logique au regard de la configuration de nos autorités publiques à l’échelon central. On pourrait également ajouter le ministère en charge de l’économie qui a la tutelle des systèmes de financement et d’indemnisation après les catastrophes.

Cependant, selon notre Institut, des problèmes de cohérence commencent à apparaître lorsqu’on veut assurer une gestion globale et intégrée des risques majeurs : de la connaissance des risques, à l ‘aménagement durable des territoires, à la coordination et la mise en œuvre des mesures de protection des populations, à la réparation et jusqu’à la reconstruction. De 1984 à 1986, le gouvernement de l’époque avait vu tout à fait justifié, sur ces aspects d’approche globale, la création d’un Secrétariat d’Etat aux risques majeurs qui avait été confié à Haroun Tazieff. Aujourd’hui, la Cour pointe à nouveau du doigt cet aspect de coordination souhaitable au plus haut niveau national pour optimiser l’action publique.

En décembre 2007, un séminaire européen organisé par l’IRMa et l’AFPCN en Rhône-Alpes, :  "Prévention et Secours : Deux mondes séparés en Europe ?" avait pour objectif d’identifier les progrès possibles pour assurer la continuité de la chaîne de la gestion globale du risque et améliorer la coordination entre ses maillons (cf lien ci-dessous pour connaître les recommandations des séminaristes).

Plus récemment en janvier 2009, c’est à Neuville sur Saône que les acteurs de la prévention des risques se sont retrouvés pour "plancher" sur une étude de cas appliquée à cette ville du Rhône inondée régulièrement. Objectif de ce séminaire technique : renforcer les liens entre la prévention et les secours.

 

En savoir plus :

> Lien vers le chapitre "L'Etat face à la gestion des risques naturels" du rapport annuel de la Cour des comptes
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/25-gestion-risques-naturels-feux-inondations.pdf

> Prométhée, la banque de données des incendies de forêt en région méditerranéenne en France
http://www.promethee.com/prom/home.do;jsessionid=FCF2F6F20863E7538687562C07C626A2

> Politique de prévention des inondations, site du Meeddat
http://www.ecologie.gouv.fr/-Inondations-.html

> "Prévention et Secours : Deux mondes séparés en Europe ?", connaître les recommandations
http://www.irma-grenoble.com/01actualite/01articles_afficher.php?id_actualite=230



Commentaires »

madeleine madeleine (18/02/2009 15:01)
je souhaite qu'une enquête sociologique soit faite dans les landes concernant la tempête car rien n'a fonctionné normalement et surtout aucun réseau qui se branche sur l'électricité ( portable ordi ...
d'autres part la sécurité civile ne possédait pas de carte IGN donc les lieux dit pas repérables



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