Politiques publiques | Feux de forêt
Mesures de protection | Réduction de la vulnérabilité
Cet été 2022, au cours des mégafeux qui ont sévi en Gironde, les forêts usagère et domaniale de la Teste-de-Buch ont été très impactées : 5500 hectares ont brûlé.
Il s’agit de deux forêts avec deux histoires différentes.
D'une part la forêt usagère, d’une surface d’environ 3 900 ha, la forêt usagère de la Teste de Buch (FU) est entièrement située sur le ban communal de la ville de la Teste de Buch. L’existence de cette forêt est attestée depuis l’époque romaine et les écrits évoquent son exploitation pour la production de la résine (alors appelée arcanson, origine de nom d’Arcachon qui était le lieu d’exportation) ... Depuis près de six siècles, les habitants de l’ancien captalat de Buch, sont titulaires d’un droit d’usage concernant le bois mort pour le chauffage, et, sous certaines conditions, le bois d’œuvre pour la construction, et les propriétaires des parcelles, sont les seuls autorisés à récolter de la résine. [1]
D'autre part, la forêt domaniale de la Teste-de-Buch, dont les 2 030 hectares de la forêt domaniale de La Teste-de-Buch tiennent une place importante au sein d’un vaste massif forestier arrière dunaire comprenant également l’ancestrale forêt usagère (la dernière en France aujourd’hui privée) et la majestueuse dune du Pilat (le site le plus visité d’Aquitaine). La forêt domaniale de La Teste a été ensemencée artificiellement entre 1807 et 1816 dans le cadre du programme de fixation des dunes de Gascogne sous l’impulsion de Nicolas Bremontier. Les forêts domaniales de La Teste-de-Buch et Lège-et-Garonne ont reçu en 2018 le Label Forêt d’Exception® du Bassin d’Arcachon. Cette distinction valorise l’excellence de la gestion de ces forêts, reconnues pour leur patrimoine unique en termes d’histoire, de paysages et de biodiversité.
Ce qui plaît dans ce massif, c'est avant tout la combinaison des paysages de forêts et d'océan. D'autres facteurs d'attractivité entrent en compte : la proximité avec la dune du Pilat, le grand réseau de voies cyclables et la gratuité des sites d'accueil au cœur de ces milieux protégés.
Chaque année, les touristes sont nombreux à arpenter ces espaces naturels, avec un pic de fréquentation à la période estivale. Durant l'été 2020, les cinq plages du massif ont accueilli plus d'1,6 million de personnes. Cette pression touristique crée de fait, un enjeu important quant à la prévention du risque incendie. [2]
La moitié de la surface de la forêt domaniale de La Teste de Buch a été impactée par l’incendie de 2022. Sur les 144 ha en zone de protection forte, plus de 100 ha ont été impactées composés de dunes et de zone boisée. 32 hectares de dune (soit 22% de la surface) ont été touchés par les incendies et 65 hectares de forêt directement sur le front de mer : ces espaces offrent les habitats les plus variés pour la biodiversité, et ce sont aussi les plus fragiles. Un premier bilan peut déjà être effectué puisque le dernier inventaire naturaliste a été réalisé par l’ONF juste avant les incendies dans cette forêt domaniale. Il constitue un état des lieux très précis de la biodiversité juste avant la catastrophe, ce qui est très rare. Mon inquiétude porte donc sur la biodiversité rattachée à ce territoire et sur l’état des arbres qui composent ce paysage si particulier. La forêt domaniale de La Teste-de-Buch était majoritairement une forêt de pins maritimes mais avec des spécificités, des îlots de feuillus, de chênes pédonculés et des chênes lièges dont certains très vieux, 200 à 300 ans. C'est un patrimoine qu'on ne va pas retrouver du jour au lendemain. Elle abritait notamment une chauve-souris rare, la Grande Noctule, le plus grand chiroptère d'Europe, mais aussi des habitats naturels et des espèces inféodées à ces milieux qu'on ne retrouve pas ailleurs comme le Pipit rousseline, un oiseau de steppe ou le plus grand lézard d'Europe, le Lézard ocellé, une espèce protégée.
On note également des dégâts sur nos infrastructures touristiques. Trois de nos sites plans-plages ont été impactés par l’incendie : Le Petit Nice, La Lagune et La Salie qui accueillent chaque saison estivale environ 800 000 visiteurs. On estime à hauteur d’1,5M€ de dégâts sur les équipements tels que les espaces de stationnements, les ganivelles servant à canaliser le grand public sur des sentiers balisés, les caillebotis servant à descendre sur la plage et les panneaux d’information sur site très importants pour rappeler la règlementation en vigueur et faire de la pédagogie. Également, 2 restaurants ont été détruits par le feu.
À partir du 15 juillet, les sapeurs-pompiers et l’ONF ont travaillé à la réalisation d’un pare-feu pour freiner la propagation du feu vers les Landes voisines et la forêt domaniale de Biscarrosse.
L’ONF a coordonné la création de plusieurs pares-feux dans le cadre de cet incendie, en collaboration avec les sapeurs-pompiers et la DFCI. Le pare-feu exceptionnel entre le département de la Gironde et des Landes avait pour objectif de créer une véritable rupture de combustible afin de stopper la progression de l’incendie.
Ce pare-feu qui mesure 5 km de long et 100 m de large a nécessité 5 jours de travail, jour et nuit. Il a mobilisé 45 engins et 70 personnes qui se sont relayés pour créer ce couloir de protection entre l’océan et le Lac de Cazaux.
Ce dispositif a permis de circonscrire le feu et éviter sa propagation aux villes et villages ainsi qu’au département des Landes limitrophes. Il faut souligner l’engagement et la solidarité de toute la filière forestière (publique, privées, entreprises de travaux, ...) qui s’est mobilisée pour permettre la mise en place de ces pares-feux en un temps records !
La forêt de la Teste-de-Buch était ancienne avec des arbres vieux de 200 à 300 ans, et une faune avec des espèces rares.
Après les incendies, l’ONF s’engage dans la reconstitution de la forêt et de ses habitats. En premier lieu, les équipes réalisent un travail d’observation en cherchant quels arbres ont survécu et pourront donc continuer à pousser d'eux-mêmes. Dans certains cas et lorsque la situation s’avère nécessaire, les forestiers envisagent de replanter là où le feu est passé. Ce sera un travail de longue haleine.
Concernant les espèces animales mises en danger, là encore l’ONF se mobilise activement, et cela avant même la survenue d’incendies en forêt. Ces missions sont essentielles car elles participent au maintien des fonctionnalités des écosystèmes dunaires et forestiers. On parle ici de création et d’entretien d’un large réseau de mares pour les mammifères, les amphibiens, les odonates, les insectes aquatiques mais aussi pour la flore. En somme ces actions sont un soutien indispensable à la biodiversité.
Ensuite, c’est un long travail d’observation qui commence. Cette étape est indispensable pour établir un diagnostic précis : " C’est bien la réaction de la nature qui doit guider nos choix techniques et c’est seulement en travaillant sur la restauration de la fonctionnalité des habitats naturels que l’on fera revenir la biodiversité. " En forêt de la Teste-de-Buch plus particulièrement, un suivi de la faune est prévu pour observer ce que deviennent par exemple la Grande Noctule et un certain nombre d’oiseaux patrimoniaux de la dune bordière.
Dans un contexte de changement climatique où la fréquence des incendies s’amplifie, si aucun autre événement tragique ne se produit, on peut espérer retrouver toute la richesse et la variété de la forêt de la Teste-de-Buch d’ici plusieurs décennies seulement, entre 40 et 100 ans.
Lutter contre la répétition des feux de forêts, c’est donc sauvegarder dès aujourd’hui le patrimoine forestier mais aussi son écosystème et sa faune. La forêt ne perdurera que si cet équilibre est assuré.
Pour l’instant, nous laissons le temps à la forêt de se remettre du traumatisme qu’elle vient de vivre et misons sur une régénération naturelle des espèces présentent naturellement (pin maritime, chêne liège, chêne pédonculé, arbousier). Nous surveillons surtout l’état sanitaire des arbres et la progression du scolyte. En ce qui concerne la reconstitution de la forêt, il n’est pas prévu de réaliser une transformation, nous assisterons la résilience des milieux naturels. Cependant nous n’avons pas attendu l’incendie pour réfléchir à l’impact du changement climatique sur la forêt à l’instar des parcelles expérimentales déjà présentes en forêt domaniale de La Teste mais également aux modélisations de progression des espèces avec l’outil Climessences.
Une attention toute particulière sera portée sur le retour des espèces feuillus déjà présentes avec notamment plus de mélange feuillus/résineux mais il est clair que l’essence pionnière qu’est le pin maritime sera largement conservée. Cette espèce est adaptée aux milieux dunaires, très pauvre en matière organique, elle était d’ailleurs présente avant la fixation des dunes.
Ce sont les conditions météo (sécheresse, chaleur et vent) qui favorisent l’occurrence de sinistres importants. La nature du combustible n’intervenant qu’ensuite, notamment au travers de la disposition des végétaux dans l’espace. Lors d’un incendie, la mise à feu s’opère à partir d’éléments très inflammables au sol, notamment la lisière et les herbacés. Ensuite, le feu gagne le sous-bois, c’est ici qu’il va prendre toute sa puissance, avant de gagner les cimes des arbres.
Si nous comprenons ce mécanisme, on peut imaginer comment freiner le feu, notamment par le choix d’un mode de sylviculture à couvert haut et dense limitant l’éclairage du sol et donc le développement du sous-bois.
Par ailleurs, en termes de végétation, la résistance à la sécheresse et la capacité à se régénérer en conditions difficiles sont des facteurs sélectifs décisifs. De ce point de vue-là, le mélange d’essences est un point favorable. Cette diversité d’essences est d’ailleurs au cœur de notre stratégie plus globale d’adaptation des forêts au changement climatique.
La plage du Petit-Nice à la Teste-de-Buch a rouvert en décembre 2022 mais vient de refermer en février 2023 à cause de l’érosion côtière.
Les forêts sont ouvertes au public, elles doivent donc prendre en compte le risque feu. La forêt domaniale de La Teste est gérée avec cette même logique. Il faut avoir en tête que la première étape consiste à prévenir les départs de feu. En France, 90% des feux sont d’origine humaine. Le principal levier pour faire évoluer positivement les choses, est de modifier certains de nos comportements. Cela passe par le respect de la réglementation et la sensibilisation des populations et des acteurs professionnels travaillant en milieu naturel. Autant de publics cibles que les forestiers de l’ONF peuvent sensibiliser pour diminuer, grâce à ce travail de pédagogie locale et nationale, le déclenchement de feux accidentels.
La seconde étape de prévention correspond à la détection et première intervention sur les feux naissants. Dans l’attente de l’arrivée des pompiers alertés, il s’agit pour les équipes ONF d’essayer d’éteindre le feu « dans l’œuf », ou de le ralentir avant qu’il n’ait pris des dimensions trop importantes et ne devienne trop difficile à gérer. Comment ? Grâce à nos réseaux de patrouilles, dont certaines sont composées de véhicules équipés de petites citernes d’eau qui se rendent sur le terrain le plus rapidement possible. Ces patrouilles n’existaient qu’en Sud-Est au regard du nombres de feux annuels. A partir de 2023, des premières patrouilles d’intervention sur feux naissants pilotés par nos équipes d’ouvriers forestiers seront activées en Gironde et dans les Landes les jours où le risque de propagation seront les plus importants. Le risque dépend de la sécheresse des végétaux, du vent et de la température. On parle des trois 30 : lorsqu'il fait plus de 30 degrés, que le vent souffle à plus de 30 kilomètres heure et que le taux d'humidité de l'air est inférieur à 30%, le risque incendie est élevé.
Si le feu commence à s’étendre, vient alors la troisième étape : l’intervention des services de lutte, à savoir les pompiers et les canadairs, lesquels vont appuyer leurs actions sur les équipements de terrain (pare-feu, pistes, points d’eau) installés et entretenus par les services forestiers.
Les forêts littorales assurent un rôle de protection contre l’érosion éolienne. Elles sont l’une des composantes de la bande littorale avec le cordon dunaire. Ces forêts sont soumises aux aléas climatiques et les risques sont décuplés en présence du public. L’érosion marine est un phénomène naturel causé essentiellement par les vagues et les courants (très actifs sur ce site !), qui lors des évènements tempêtueux arrachent du sable aux plages et aux pieds de dunes. Les arbres et leurs racines ne peuvent rien face à la force des vagues et du vent combinés. Ces phénomènes de recul du trait de côtes sont perpétuels sur le secteur des passes du bassin d’Arcachon avec des reculs pouvant atteindre 48m sur un hiver contre 2 à 3m par an en moyenne sur la côte sableuse. Il est nécessaire d’accompagner le recul des équipements liés à l’activité humaine mais également d’assister la migration des milieux naturels. Il est nécessaire de s’adapter à ces milieux dynamiques et mobiles.
Si l’érosion marine est un processus inexorable, des travaux peuvent limiter l’érosion éolienne, c’est-à-dire le transport du sable de la plage vers l’intérieur des terres. Le but de ces travaux est de conserver, ou de recréer, des conditions favorables au développement de la végétation dunaire. Les actions menées visent à réduire la vitesse du vent au niveau du sol, piéger le sable, améliorer l'état des dunes. La frange de la dune grise (entre la plage et la forêt dunaire) est la zone la plus riche en termes de biodiversité du littoral sableux, on se doit de la préserver.
En 2022, la surface brûlée en France (forêts, cultures et espaces naturels) représente 72 000 hectares, occasionnée par 19 711 incendies. [3]
Le changement climatique n’est pas une cause directe d’incendie, mais il influe sur les conditions d’éclosion et de propagation des incendies. En France, la foudre est l’unique cause naturelle de départ de feu et elle concerne en moyenne moins de 10% des départs. Cela signifie que 90% des incendies sont d’origine humaine. Concernant la composition de la forêt en elle-même, la difficulté d’adaptation ne vient pas des essences forestières, mais du couple espèce/climat, car aujourd’hui quasiment tous les peuplements forestiers sont adaptés au climat des zones où ils sont implantés, même si les choses sont en train d’évoluer avec la rapidité du changement climatique. Par exemple, le pin sylvestre, qui est une essence répandue partout en France, est sensible aux incendies dans l’arrière-pays de la Méditerranée car il peut y faire très sec, mais il brûle peu sur le reste du territoire national. Toute la complexité de la gestion forestière actuelle consiste à faire des paris sur l’avenir en prenant en compte un environnement incertain et évoluant plus rapidement que le temps long forestier. Pour l’ONF, réussir l’adaptation des forêts au changement climatique passe par l’introduction d’un nouveau concept de sylviculture fondé sur le principe de "forêt mosaïque". L’objectif : renforcer la diversification des essences mais aussi adapter les modalités du renouvellement dans l’espace forestier.
Le risque incendie s'étend partout en France. Les enjeux sont de taille : dans les 50 prochaines années, des simulations montrent que les aires de compatibilité climatique des essences actuelles vont se rétracter d’au moins 60%, notamment pour celles qui pèsent 75 % de la couverture forestière domaniale. Autrement dit, 500 000 hectares de forêt devraient voir leur faciès actuel se modifier. Les scénarios d’évolution climatiques du GIEC évoquent une tendance à l’extension du risque d’abord vers le Sud-Ouest, l’Ouest (Bretagne, Val de Loire, région parisienne), et la haute vallée du Rhône. Nous y sommes aujourd'hui et la répartition géographique des feux de l’été 2022 le confirme.
Au niveau national, cet été, environ 70 000 hectares de forêt ont été détruits par les flammes.
L’ONF intervient à toutes les étapes de la prévention, soit dans le cadre de la gestion courante des forêts publiques, soit dans le cadre spécifique des missions d’intérêt général confiées par l’Etat. Le rôle de l’ONF dans la stratégie de prévention nationale s’articule autour de la sensibilisation aux bons comportements en forêt de la part des populations et des acteurs professionnels travaillant en milieu naturel, de la détection et primo-intervention sur les feux naissants, si le feu se déploie malgré tout, les pompiers interviennent et le rôle de l’ONF vient en appui sur la vigilance portée aux lisières du feu pour éviter une reprise du feu. Ensuite, en termes d’adaptation au changement climatique, cela passe par le choix d’essence adaptée au milieu et à la sécheresse, ainsi qu’au mode de sylviculture choisi. Toutefois, le premier facteur d’occurrence des sinistres sont les conditions météo.
[1] F. Lavarde, B. Cinotti. (2022). La forêt usagère de la Teste de Buch - Un fragile équilibre entre propriété et usage. CGAAER, CGEDD. https://agriculture.gouv.fr/rapport-du-cgaaer-ndeg-21092-et-cgedd-ndeg-014045-01-la-foret-usagere-de-la-teste-de-buch-un
[2] Forêts du Bassin d’Arcachon : des milieux exceptionnels entre lagune et océan. ONF. https://www.onf.fr/onf/journee-internationale-des-forets/7-portraits-de-foret/+/a64::forets-du-bassin-darcachon-des-milieux-forestiers-exceptionnels-entre-lagune-et-ocean.html
[3] Gouvernement. (2023).Le dispositif pour 2023 contre les feux de forêt. https://www.gouvernement.fr/actualite/le-dispositif-pour-2023-contre-les-feux-de-foret
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