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L’inondation subie est un traumatisme grave

Publié le 31 mai 2013

Par Jacques Avrillon

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L’inondation subie est un traumatisme grave

L’UNALCI (Union Nationale des Associations de Lutte Contre les Inondations) France Inondations a contribué au bulletin de liaison de l’IRMa, le risques infos n°31 de juin 2013 traitant de la thématique des participations civiles et citoyennes dans la problématique des risques majeurs. Jacques Avrillon, Co-président de l’UNALCI, a souhaité compléter son article pour préciser l’impact des inondations sur les victimes. Ces propos ont été présentés lors de l’atelier « Economie et risques » des assises nationales des risques naturels du 19 et 20 janvier 2012 à Bordeaux.

Nous ne pouvons, à priori, qu’avoir un regard favorable sur toutes initiatives ou actions qui tendraient à réduire les risques inondations (et autres risques naturels). Cependant, représentant les particuliers, victimes d’inondations, imprégnés de leurs problématiques et des grandes difficultés qu’ils vivent ou ont vécues, vous comprendrez que c’est cette approche qui sera le fil conducteur de ces propos, sans pour autant négliger la nécessité de maîtrise économique qui, d’ailleurs, peut concerner également les particuliers sinistrés dans leur gestion personnelle.

Il est nécessaire de rappeler que toute construction ou réalisation d’habitation individuelle ou collective ou de tout autre bâtiment nécessite légalement l’attribution d’un permis de construire accordé par le maire ou le préfet (l’Etat) suivant les époques et l’évolution de la législation sur l’urbanisme.

L’ancêtre de notre permis de construire apparaît en 1852. Il est relatif au droit de construire dans les rues de Paris et se préoccupe particulièrement des questions d’hygiène publique. En 1902, il est étendu à toutes les villes de 10000 habitants et plus. En 1919, à la police de l’hygiène publique s’ajoutent la police de l’urbanisme et l’apparition des plans d’aménagement donc l’autorisation à construire. En 1943, naissance de la forme moderne du permis de construire, il devient obligatoire sur l’ensemble du territoire et pour toutes les communes. En 1984 attribution aux maires la décision d'accorder et de signer les permis de construire sur le territoire de leur commune.

D’autres évolutions ou modifications suivront encore, mais on peut considérer que depuis 1943, voire 1919, aucune construction n’a été réalisée sans l’obtention d’un permis de construire accordé par le préfet (l’Etat) ou le maire de la commune d’installation. Il est donc difficile dans ces conditions de vouloir imputer aux victimes des inondations la responsabilité de leur situation et des préjudices qu’ils subissent.

Pour les constructions antérieures, elles sont intégrées de fait dans le bâti existant.

L’impact des inondations

L’inondation subie est, pour tous, un traumatisme grave. Il reste imprimé dans la mémoire et bien souvent dans le corps des sinistrés. Le coût de remplacement ou de réparation des biens mobiliers et immobiliers des victimes n’est jamais totalement compensé par les indemnités perçues. La valeur morale et affective des biens perdus n’est pas prise en compte, ni la dégradation éventuelle de la santé physique et psychologique qui se révélera postérieurement au drame vécu.

L’inondation subie représente un appauvrissement réel des victimes :

  • Dévalorisation du patrimoine immobilier dans le cours immobilier local ou régional en cas de volonté de revente
  • Coût des travaux de réhabilitation non totalement couvert
  • Travaux et aménagement de prévention à la charge du sinistré (avec possibilité de pénalisation par les assureurs s’ils ne sont pas réalisés)
  • Coût de remplacement des biens mobiliers et d’usage domestique non totalement couvert

Tous ces éléments font que les victimes se retrouvent souvent cantonnées sur ces territoires malgré l’envie ou la volonté de s’en dégager.

L’origine des inondations

Les origines de l’inondation d’un site ou d’un territoire proviennent généralement de l’ensemble du bassin versant amont.

Les inondations sont provoquées et amplifiées par des événements pluvieux aléatoires et souvent imprévisibles qui se multiplient et s’amplifient avec les dérèglements climatiques que nous constatons.

Elles sont également dues à l’activité humaine, collective ou individuelle :

  • urbanisation expansive, développement effréné des zones d’activités économiques et industrielles,
  • imperméabilisation (bétonnage/goudronnage) des sols,        
  • disparition des zones humides, d’expansion et des plans d’eaux naturels,
  • pratiques culturales intensives,
  • modification des sites et des topographies naturelles.
  •  gestion unidirectionnelle des fleuves et rivières navigables dédiée à la seule navigation commerciale.

Cette énumération, bien sur, n’est pas exhaustive.

On ne peut pas caractériser un site ou un territoire même pour en définir la priorisation d’intervention sans prendre en compte l’ensemble de ces éléments.

Par ailleurs, il nous semble nécessaire d’ajouter à l’approche économique préconisée les critères : santé (humaine), culturel et patrimonial tels qu’ils sont proposés dans la Directive européenne (directive 2007/60/CE du Parlement Européen-23 10 2007- relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation) : Chapitre I / Disposition Générale / Article 1  « La présente directive a pour objet d’établir un cadre pour l’évaluation et la gestion des risques d’inondations, qui vise à réduire les conséquences négatives pour la santé humaine, l’environnement, le patrimoine culturel et l’activité économique associés aux inondations dans la communauté. »

On peut penser que les législateurs qui ont à charge de rédiger les textes de loi, décrets, directives et commentaires et ceux qui ont à charge de les valider et de les adopter portent une grande attention à la précision des termes retenus et à l’ordonnancement de ces textes afin de traduire de la façon la plus claire, la plus précise et la plus rigoureuse l’esprit et l’intention de la loi. Ainsi, nous pouvons observer que dans l’énumération des éléments qui subissent les conséquences négatives des inondations sont dans l’ordre: en premier : la santé humaine, en second : l’environnement, en troisième : le patrimoine culturel et enfin l’activité économique. Ne pourrait-on supposer qu’il y a là comme une réorganisation de l’ordre des priorités affirmée par le législateur ?

Lors de la 2ème réunion de la commission mixte inondations a été demandé que nous soit présentée, accompagnant chaque dossier de demande de labellisation, une fiche d’évaluation des effets attendus des travaux et aménagement envisagés. Cette évaluation doit couvrir tous les champs évoqués par la directive Européenne et bien plus, soit, le territoire bénéficiaire, la population (individus et foyers, le bâti, les infrastructures (réseaux routier et ferré, et de communication), les équipements et services publics (hôpitaux, écoles, pompiers, etc.), le patrimoine et les monuments historiques, l’environnement, et bien sûr l’activité économique commerciale et industrielle (emplois…)

L’analyse économique ACB (analyse coût/bénéfice) est tout à fait indiquée à condition que soient pris en compte tous ces éléments dans le facteur bénéfice, ainsi que les préjudices subis par les particuliers victimes des inondations.

Il est profondément souhaitable que la question des inondations (et des catastrophes naturelles) pour l’avenir, soit l’objet d’une priorité, d’un investissement et d’un projet à terme de la même importance que l’ont été le développement du réseau routier et autoroutier ou le développement et la modernisation du réseau ferré mis en œuvre depuis les 60 dernières années. Ceci est d’autant plus important que nous sont annoncées des données graves: 17 millions d’inondés et 9 millions d’emplois mis en cause dans les 15 ou 20 ans à venir.

Au vu de la situation actuelle et des perspectives annoncées, il est nécessaire qu’un véritable chantier prioritaire soit mis en route. Le travail enclenché par la CMI (commission mixte inondation) est très important. L'effort et les moyens devront être maintenus, voire développés.

Il faut que la politique de prévention des catastrophes naturelles soit un élément majeur et incontournable de la politique d’aménagement et de développement du territoire et des collectivités territoriales.

Il faut que l’Etat, (ses représentants et ses services), soit maître d’œuvre et que les lois, les directives et règlements établis soient mis en œuvre sous le contrôle attentif et rigoureux de l’Etat et de ses représentants, avec une capacité coercitive si nécessaire.

C’est dans la mise en œuvre et le développement de ce chantier que nous pourrons espérer voir progresser la réalisation de travaux et d’aménagements qui, certes, représenteront des investissements importants mais seront compensés, à terme, par une baisse des indemnisations. En effet, ces indemnisations si elles permettent pour les victimes et l’ensemble de la collectivité sinistrée de reconstruire au mieux une vie locale collective et individuelle, seraient cependant à nouveau anéanties par des aléas futurs (Var : Juin 2010 novembre 2011) si aucun aménagement, aucune réalisation d’équipement n’avaient été entrepris pour supprimer ou réduire l’inondation.

 

UNALCI France Inondations

Union Nationale des Associations de Lutte Contre les Inondations

Siège social : 17, rue de Léry – 95430 AUVERS sur OISE

www.unalci-france-inondations.org

 



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